lundi 31 août 2009

10 - 21 : Prophétie


6 – 21



Il m’avait étreinte, ni trop vigoureux, ni trop souple. Je m’étais laissé convaincre. Il m’embrassait et le feu de son corps cherchait à se rafraîchir contre le mien. Il m’enivrait. La sensualité exsudait de ses pores. Une de mes bretelles coulissait sur mon épaule, tel un vampire, il se rua sur ma gorge. Je le rejetai. Il jouissait de mon effarouchement. Ses yeux rebelles luisaient de braises. Il doit être fou pour exister avec autant d’intensité.

- « Tu es faite pour l’amour. Tu es une créature magnifique. Si tu savais comme je te désire ! Loin de Dieu, je ne suis qu’un homme asservi par ses sensations et émotions. Près de toi, en toi, sorti de toi, je suis vivant. Prends-moi. Accepte-moi. Deviens ma fusion, mes sentiments, ma victoire sur la fatalité. »

Il me caressait à nouveau l’avant-bras.

- « Tu sais, une femme m’a blessé, une fois, mais je lui ai pardonné pour mes souffrances. Depuis, aucune n’a dérobé mon cœur. Il est pur. Il est pour toi. Je sais d’instinct que tu es capable d’en prendre soin. Tu es solitaire et cela te pèse. Je suis venu te demander ta main. »

- « Cette histoire est invraisemblable. Est-ce une blague ? »

- « Ne crois-tu plus au prince charmant ? »

- « La réalité m’y a contrainte. »

- « Alors triste réalité ! Offre-toi une nuit de princesse. Qui sait, demain, après demain peut-être serai-je encore là ? De toute manière, je te promets un bon moment. Pourquoi te priverais-tu d’un ami ? Pourquoi renoncerais-tu au plaisir, à la satisfaction ? J’ai remarqué comme tu t’étais faite belle. Tu as espéré ma venue. Tu t’es apprêtée. Quelque chose t’a incitée à chercher à me plaire. Tu attendais en secret celui qui allait changer ta vie. Tu te demandais d’où il surgirait. Eh bien, il s’est déplacé à domicile. Regarde-moi en face et ose me dire que je te laisse indifférente. Pourquoi m’aurais-tu laissé pénétrer ton intimité si je n’avais pas le moindre intérêt ? »

J’étais cernée par sa présence, par son odeur, par l’efficacité de ses paroles et de son stratagème. Il avait subitement tout rempli : mon appartement, mon esprit, mon ressenti. Il visait juste. Il s’était levé. Il avait patienté et, désemparé par mon silence, il avait fui vers l’entrée et il était sorti de l’appartement.
Je m’étais hissée sur mes jambes, je me tenais debout au centre de la pièce vide et j’avais éclaté en sanglots. Que la femme qui n’a jamais cru au grand amour me jette la première pierre ! Bien sûr, j’avais envie de romance. Évidemment, je redoutais la passion. Certainement, je n’étais pas restée insensible. Indubitablement il m’avait émue, pour preuve, je pleurais. J’avais laissé s’échapper la sixième lame du tarot : l’amoureux.


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lundi 24 août 2009

10 - 22 : Prophétie



10 – 22



Monsieur, à qui j’avais imposé une distance, fut relâché de ma chambre et vint me consoler. Il m’oublia et suivit au flair la piste de David. Le chien me lorgna soupçonneux et retourna se coucher en boudant. J’étais à fleur de peau.

Je me torturais. Monsieur déboula vers la porte. Je vérifiais au judas : c’était David avec un paquet cadeau. Je renvoyais Monsieur garder la chambre lorsque David frappa.

- « Attention ! Si tu ouvres je considèrerai cela comme un oui… »

Sa voix pétillait. Il était revenu pour moi. Il n’avait pas abdiqué. L’amour n’est-il pas une noble cause ? »

Mon cœur battait à tout rompre. Des frissons d’adolescente me parcouraient.

J’ai ouvert.

Il m’a enlacée dès qu’il est entré. Il m’a touchée comme s’il m’avait déjà connue. La vitalité circulait entre nous. Il fondait contre moi lascivement et sur son visage je lisais une page heureuse.

- « Tiens, c’est pour toi. »

Il me tendait un paquet, une longue boîte enrubannée de rouge. Je l’ouvrais avec délice. Une superbe robe de dentelle blanche et une lettre.

- « Tu pourrais l’essayer… »

- « Je reviens. »

Je disparaissais dans la chambre où Monsieur trépignait. Je m’empressais de me déshabiller et j’enfilais ma nouvelle toilette. On pourrait croire qu’elle est faite sur mesure. Je récupérais la lettre qui avait glissée sur mon lit et je la lisais avant d’aller le retrouver :

« Tu passeras du plan matériel au plan spirituel. »

Je n’en saisissais pas très bien le sens mais j’étais coquette et enjouée.


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lundi 17 août 2009

10 - 23 : Prophétie


10 – 23




David avait mis de la musique. Il avait allumé des bougies. Mes tensions se décrispaient. Nous avons parlé. Nous avons dansé. Nous avons bénéficié d’indolence. Il me plaisait. Je le tentais. Monsieur couinait de temps à autre. David était mon amoureux surgi du néant. J’étais sa fiancée de dentelle. Monsieur avait renoncé à se plaindre et ronflait depuis peu en frisant les moustaches. Nous dégustions les prémices d’une union soudaine et exaltée. Il m’effleurait de son parfum qui s’émancipait à mon contact et se mêlait au mien afin de créer une intimité. Je me laissais bercer et surprendre, je le cajolais et le taquinais à mon tour.

- « N’as-tu pas faim ? »

- « Je te trouve si terrestre tandis que je ne songe qu’au ciel avec toi ! Si j’ai faim c’est de ton âme et de tes rondeurs. Je suis l’ogre de tes envies. »

- «Tu me trouves trop terre à terre. Est-ce la raison de ta lettre? »

- « Un jour, tu t’es résignée. Tu as accepté de vivre dans le monde dans lequel tu vis. Tu as vendu ton idéal pour t’insérer. Tu t’es payé une petite existence paisible et chiante. Sais-tu ce que prophétisait la Morrigu celtique ? Que la fin du monde viendrait de la confusion des saisons, de la corruption des hommes, de la décadence des classes sociales, de la méchanceté et du relâchement des mœurs. N’as-tu pas la conviction de vivre pareille époque ? Mais tu ne fais rien. Tu fais avec. Tu baisses la tête et tu attends un miracle comme on attend la mort. »


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lundi 10 août 2009

10 - 24 : Prophétie


10 – 24




J’étais à la fois suffoquée par ses baisers et par ses mots qui m’assaillaient avec cruauté. Je le sentais puissant. Je le trouvais insoumis. Pourtant il faisait corps avec moi. Il suivait en ondulant le moindre mouvement. Il captait le moindre souffle. Il avait un comportement animal, indompté, spontané, élastique. Il me respirait à pleins poumons et ses joues s’arrondissaient de contentement.

- « Mais toi, que fais-tu pour changer les choses ? »

- « Je suis précisément ici afin de te l’expliquer. Je vais te sortir de ta routine. Je vais te faire vivre pour de bon. Grâce à moi, tu vas enfin concevoir la véritable valeur des choses. Tu vas te débarrasser de tes préjugés. Tu vas faire peau neuve bien que celle-ci soit exquise… »

Il y croyait alors je l’ai cru.

Malgré cela, d’un coup, il faisait terriblement gris. Le monde extérieur était opaque. David avait cessé de m’enlacer, il m’observait et un voile critique traversait son expression.

- « Quelque chose ne va pas ? »

Il s’était ridé comme accablé par son constat.

- « C’est toi qui ne vas pas… Tu es tellement flexible. Tu es prête à tout sans même savoir ce que tu attends, ce qui t’attend… »

J’avais fait mine de me rebeller, alors il avait froncé des sourcils menaçants. J’avais riposté en détournant la tête :

- « Veux-tu me dire ce que tu entends par ce qui m’attend ? »

- « Non car tu ne le mérites pas. Je te signale ton comportement abject de jeune adulte bêtement résignée et tu répliques avec une sincère obéissance, une niaise révolte, preuve que tu ne comprends rien à ce que je tente de t’expliquer. Qu’importe la révolte d’un autre, ce qui est important, c’est de la sentir vibrer aux tréfonds de soi cette impression que quelque chose ne va pas. Peux-tu la ressentir cette petite boule noire qui t’étouffe ? Cette pointe de vérité qui te tiraille : savoir que l’humain en toi n’est que rarement respecté. Tu dois comprendre que l’essentiel t’échappe, ta propre vie. Tu es conditionnée à ne connaître que des rêves à crédit. Ton existence est un petit budget. »




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lundi 3 août 2009

10 - 25 : Prophétie



10 – 25



- « Dans une seconde tu vas me demander mon matricule. Est-ce bien ainsi que tu comptes t’adresser à mon insignifiante personne ? »

- « À mes yeux aucun être est insignifiant. Il faut voir le monde du point de vue du grand, aussi du point de vue du petit. Tôt ou tard, tu dois accepter le fait que les deux résident en toi, l’infini comme le néant. »

Il avait de nouveau baissé les armes. Sa passion s’explique par son extrême idéalisme. Il dériva vers moi, posa la tête sur mes genoux. Il fixait sur mon visage ses iris plats et ses pupilles béantes.

- « Si tu n’étais pas importante à mes yeux, crois-tu que j’aurais créé toute cette histoire ? »

J’avais souri.

Nous avions laissé nos présences faire connaissance au-delà de nous-mêmes. La lune auréolée filtrait par la fenêtre. Monsieur dormait puisant dans ses songes de chien urbain. David s’était proposé pour faire un thé. Il avait sans doute décelé ma fatigue pointer. Il m’avait laissée prétextant qu’il allait faire comme chez lui.

Chez lui ? Où ce pouvait être ? Un tourbillon de questions m’avait donné le tournis. J’avais fini par le rejoindre à la cuisine. La théière fumait déjà, il ne fit que me raccompagner au salon. Nous scrutions la surface de l’eau parfumée, un voile de fumée s’évasait puis s’allongeait dans un faisceau de lampe.




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