lundi 26 octobre 2009

10 - 13 : Prophétie




10 – 13


Je remontais sportivement vers mon appartement. Il y avait une feuille sur mon paillasson. Il était passé. Il m’avait fatalement croisée puisque je montais la garde au bas de l’immeuble avec Madame Kepassa. J’étais tellement prise par l’événement que je n’avais rien remarqué. Je n’y avais pas même pensé. Le roué ! Mais comment avait-il pu préméditer d’être là, au bon moment, pendant l’incendie ? Avait-il improvisé ou bien était-il aussi pyromane ? Monsieur déboulait vers ses croquettes, la queue frétillante. Je retirais mes maniques en réalisant l’absurdité de ma tenue et ramassais le papier sur lequel un triangle pointait vers le haut. Le point était l’unique indice différenciateur du premier triangle. Celui-ci était-il une Pyramide ? Un emblème phallique ? Il était l’heure de déguster la salade qui devait accompagner mes crottins. Je regardais vers la fenêtre et repensais au vieillard sauvé des flammes. "Trop gâteux pour éteindre son gaz !" Avait stipulé madame Kepassa. Le feu, cet élément ambivalent, qui réchauffait, qui cuisait, qui hypnotisait, qui purifiait, mais qui pouvait tout autant obscurcir, étouffer et détruire, partageait mes sentiments souvent contraires. Comme une flamme, je souhaitais m’élever mais, comme elle, j’avais tendance à vaciller. Deux paires de symboles : deux triangles simples, l’un tête en haut, l’autre tête en bas, plus les deux triangles barrés. Le yin et le yang ? Ou, peut-être, la pénétration du Yoni par Linga chez les hindous, autrement dit, l’équilibre créé entre l’eau et le feu ? Je me laissais porter par mon inspiration, or, la vision du vieillard me hantait, je ne pouvais me retirer de l’esprit que ce feu auquel il venait d’échapper, serait sans doute le même qui le dissoudrait bientôt au crématorium. Monsieur finissait sa gamelle. Je terminais mon assiette. Il me fallait consacrer l’après-midi à la rédaction de mon article. Je mettais de côté les élucubrations et me concentrais sur mon sujet. Le chien se motivait pour la sieste. Pourtant, assez tard, l’alchimie de mon cerveau m’illumina.

 
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lundi 19 octobre 2009

10 - 14 : Prophétie

10  – 14


Les tornades…Le jour venteux, c’était l’Air…L’orage…Le jour de pluie, c’était l’Eau. Le livreur m’avait apporté la Terre… Et l’incendie avait propagé le Feu… Le puzzle se composait subitement avec clarté, il s’agissait d’un des emblèmes les plus connus. Comment n’y avais-je pas réfléchi auparavant ? Le sceau de Salomon ! Six triangles équilatéraux inscrits dans un cercle, chaque côté de chaque triangle équivalent au rayon du cercle et six étant presque exactement le rapport de la circonférence au rayon. L’hexagramme constituait l’ensemble des éléments de l’univers. Les deux triangles superposés représentaient-ils l’humain en union avec le principe divin, ou encore, tel que je l’avais déjà analysé, le mariage des principes masculin et féminin ?

Je tentais de comprendre quel rapport existait entre le sceau et moi. La solution était brumeuse, pourtant, l’énigme figurait le nombre six et demain nous serions le 6 du mois. Coïncidence ou évidence ?
 
 
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lundi 12 octobre 2009

10 - 15 : Prophétie



10 – 15


Le sixième jour.

Mes rêves aux allures divinatoires m’avaient laissé un goût salé-sucré en bouche. Le jour s’était levé d’un coup et sa lueur rosée avait muté en lumière crue et franche. Je me levais d’un bond et courrais à la salle de bains inspecter mon reflet. J’étais une trentenaire au physique assez banal, cependant je n’étais pas ingrate. Mes cheveux châtains retombaient en frisottant sur mes épaules rondes. Ma bouche était pulpeuse et naturellement carminée. Mon teint était pâle et uni. Mes cils, désespérément fins et courts, encadraient des iris marron criblés de pépites d’or. Mon visage avait conservé une douceur enfantine, en revanche mon regard était devenu sévère. Je reculais et contemplais avec une hargne toute féminine mon corps nu. Je trouvais que mes seins tombaient depuis mon dernier régime, que mes hanches me donnaient une démarche de génisse, que mes genoux avaient l’air triste et mes orteils que je remuais étaient de petits aliens sur lesquels j’avais dû marcher.


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lundi 5 octobre 2009

10 - 16 : Prophétie


10 – 16


Je soufflais et passais sous la douche pour me détendre. Il me fallait me préparer. Je devais être prête, parfaite. Je ne laissais rien au hasard : l’aqua gommage, effet peau neuve, tonifiait, lissait et revitalisait mon corps, tandis que le gel nettoyant profond assainissait les pores de ma figure et l’exfoliait en douceur. Je moussais de haut en bas, sans oublier mon cuir chevelu que je massais avec un shampoing fortifiant qui pénétrait le cœur de mes cheveux pour les rendre plus forts, plus épais, plus denses, et qui les lissait parfaitement pour les rendre plus brillants, pleins d’énergie. Je rinçais, puis j’appliquais un après-shampoing crème ultra démêlant, qui, d’après des résultats mesurés en laboratoire, offrait à ma chevelure une nouvelle force. Je rinçais, et pour n’avoir rien à regretter, j’étalais deux noix d’un masque régénérant dont le concentré actif m’assurait un soin intensif nourrissant, une résurrection capillaire visible dès la cinquième application. Je me rasais les jambes de près et peaufinais le triangle entre mes cuisses. Je me séchais, m’examinais à nouveau dans un cercle de buée. Pas mal.

Comment dire ? À ce moment précis, je savais. Je savais qu’il viendrait. Aujourd’hui. Cela ne faisait aucun doute. Il viendrait lors de ce sixième jour, le 6 du mois, au 6 de la rue du Cherche Midi dans le 6ème arrondissement. Il monterait jusqu’au 6ème étage. Il viendra vers 6 heures ce soir.




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