lundi 25 janvier 2010

9 - 21 : L'étoile flamboyante



9 – 21

Ils se tenaient avec poigne quand un signal creva la solennité de l’instant.
Adèle lançait des appels désespérés depuis le potager :
- « Auguste ! Léon ! Où êtes-vous ? Auguuuste ! Léééooon !!! »
Puis un écho incongru répondit depuis le parc :
- « Firmin ! Gérôme ! Avez-vous vu l’heure ? Fiiirmin ! Gérôôôme !!! »
Théodore ne cachait pas son appréhension.
Les garçons se comprirent sans un mot. Ils remercièrent Sarah en l’embrassant et regagnèrent ensemble leur territoire.
- « Nous sommes-là ! »
- « Où ? »
- « Là ! »
Ils apparurent à la lumière des lampes à huile d’une Adèle et d’un Théodore suffocants.
- « Que vous a-t-il pris ? Êtes-vous sourds ou inconscients ? Qu’étiez-vous en train de combiner ensemble ? »
- « Nous étions en train de nous réconcilier. Nous avons gâché assez de saisons et de salive en vaines querelles ! »
Les adultes ne surent quoi riposter, sinon qu’il était l’heure de rentrer.
Sarah vit ses amis détaler en meute vers l’intérieur tandis qu’Adèle et Théodore traînaient au jardin. Elle pensa qu’il faudrait à ces jeunes une forme olympique pour affronter des caractères aussi butés que ceux de leurs aînés dont les voix faiblissaient en s’éloignant :
- « Je suis certain que tes abrutis de fils ont entraîné les miens ! »
- « C’est ça ! Faux cul comme sont les tiens, je ne serais pas étonnée qu’ils aient tout manigancé ! »
Une voix claire et quiète s’éleva effaçant leurs persiflages : il était temps pour Sarah de rentrer.

lundi 18 janvier 2010

10 - 1 : Prophétie




PROPHÉTIE

10 – 1

J’habitais au 6 rue du Cherche Midi, dans le 6ème arrondissement parisien, au 6ème étage : 666 - dire si j’étais prédestinée !

Je faisais le tour du pâté de maisons avec mon chien Monsieur lorsqu’un frisson désagréable me saisit. Un étrange courant d’air tournait autour de ma personne et semblait délibérément me suivre quelque soit la direction que j’empruntais.

Monsieur, la truffe collée aux pavés, était obsédé par les potins canins du jour. Je tirais sur sa laisse. Il leva à peine sur moi un œil rétif à la pensée du retour, pourtant, je fis en sorte de contourner l’îlot au trot. Le vent glaçait comme pour mieux me défier. Il virevoltait en ennemi insaisissable, s’échappait, prenait de la distance et resurgissait pour me fouetter de plus belle. Je me pressais pour me mettre à l’abri de ses gifles. Ce fut avec espoir que je me précipitais dans le hall de l’immeuble afin de fuir ses attaques sournoises. Il resta bloqué à la porte. Ivre de colère, il frappait et sifflait de manière infernale, ses cris filtrait par le bas de porte et s’insinuaient jusqu’à mes pieds.

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lundi 11 janvier 2010

10 - 2 : Prophétie



10 – 2

Je soufflais à mon tour, mais de soulagement, intérieurement apaisée par l’édifice en pierre de taille. Mon chien, libéré de sa laisse, détalait dans l’escalier tout en dérapages incontrôlés. J’ignorais le raffut et allais vérifier la boîte aux lettres (factures de ci, pub, facture de ça, pub…). À l’extérieur la tornade officiait. Aux étages supérieurs résonnaient les pattes de Monsieur en cours d’inspection. Bientôt mes pas s’ajoutèrent à cette cacophonie en se répercutant dans la cage d’escalier. J’arrivais essoufflée au terme du 5ème étage avec l’intuition que quelque chose d’anormal se tramait, je levais machinalement les yeux vers chez moi : quelqu’un y avait placardé une affichette représentant je ne savais quelle déesse, puis l’avait balafrée de peinture rouge. L’icône saignait dramatiquement sur ma porte d’entrée. De plus près, je pus constater que le visage du poster avait été soigneusement découpé et remplacé par une photomaton de… MOI !!!

Je demeurais bouche bée, tremblotante d’incompréhension, sidérée, alors que Monsieur vérifiait tous les paillassons. Je l’appelais, après une hésitation à affronter mon clone vénusien peinturluré de sang, nous pénétrâmes entre nos murs réconfortants.


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lundi 4 janvier 2010

10 - 3 : Prophétie



10 – 3


Assise, les jambes croisées, les mains impuissantes, je redoutais l’inconnu. Cette mise en scène malsaine m’inspirait de sombres pensées.

Qui avait bien pu faire cela ? Voilà à quoi se résuma le reste de l’après-midi, à chercher.

Quelqu’un qui préférait afficher son message aux yeux de tous plutôt que de prendre contact directement.

Quelqu’un qui avait travaillé en un temps record.

Qui ? Trop d’idées : pas d’idées.

La nuit était hantée par mon appréhension. Des lueurs folles venues de l’extérieur jouaient dans l’atmosphère épaisse de la chambre. Un silence rare et effrayant planait. Je me sentais épiée, traquée au cœur de la cible que pouvait être ma couche. J’enviais la sagesse des objets qui m’entouraient. Ils ne se laissaient pas happer par la crainte du mystère et du périssable. Sereins et présents, ils me renvoyaient mes émotions sans les partager. Ils m’obligeaient à relativiser l’événement. Au-delà du corps de l’objet vibre son âme silencieuse et complice de l’existence. Il assiste l’Univers sans le contrarier. L’objet n’est pas rebelle. Je le considérais tel un éveillé sous son apparente passivité. Il est composé de matières, il est traversé par le son, il bouge, il déménage, il est choyé ou délaissé : il vit. Or, quelque soit l’endroit où il est, l’attention qu’on lui porte, sa forme ou sa particularité, l’objet est utile. Qu’il aide au concret ou nourrisse le merveilleux, il sert sans manifester. L’objet est un allié qui n’envie rien aux praticiens de la méditation transcendantale, il devient indispensable sans jamais avoir marqué d’ambition personnelle. Il ne réagit pas même devant la mort, pourtant, et comme pour l’ensemble des créatures, un jour, il disparaît.


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