lundi 31 mai 2010

9 - 2 : L'étoile flamboyante




9 – 2

Le mal avait pris racine au cours des enfances de leurs parents. Du jour où Théodore avait fait avaler des crottes de souris à sa cadette après les avoir traîtreusement glissées dans une boîte à cachous. Adèle n’avait pas pardonné la blague… Dire si la gangrène datait !
Quand le frère et la sœur avaient hérité de la bâtisse carrée, seul l’escalier était parvenu à les accorder. Dorénavant, Théodore possédait la partie droite de la maison tandis qu’Adèle était maîtresse de l’aile gauche.
Ils s’ignorèrent jusqu’à leurs mariages respectifs mais il s’avéra qu’une fois les couples établis : l’atmosphère se gâta.


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lundi 24 mai 2010

9 - 3 : L'étoile flamboyante


9 – 3

On s’espionnait les oreilles collées aux portes ou au plus près des tuyauteries. On jouissait incontestablement des misères voisines. On créait volontiers d’inutiles conflits quand la vie devenait trop paisible. Ordures ménagères, boucan, pots de pisse, tout ce qui pouvait aider à nuire y passait.
Ainsi les enfants des deux bords ne manquèrent pas d’être éduqués dans le mépris de leurs cousins et les humiliations familiales. Les moqueries et les rumeurs allaient bon train, les coups pernicieux faisaient rages. Ceux d’à côté étaient toujours moins : moins beaux, moins vifs, moins intelligents, moins bien présentés.
Si l’on considère que celui qui n’a goûté au cours de son existence qu’à des pommes pourries les préfère aux saines, on peut aisément imaginer ce que l’on peut ressentir envers l’autre lorsqu’on est élevé dans la méfiance et le ressentiment.

Comment espérer la paix si l’on ne sait pas de quoi il s’agit ?

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dimanche 23 mai 2010

9 - 4 : L'étoile flamboyante



9 – 4

Firmin et Gérôme étaient les plus élégants.
Léon et Auguste étaient les plus malicieux.
Firmin et Gérôme étaient les plus responsables.
Léon et Auguste étaient les plus inventifs.
Firmin et Gérôme étaient les plus polis.
Léon et Auguste étaient les plus sportifs.
Firmin et Gérôme, durant les grandes vacances, aidaient à la taille des rosiers, ce qui leur avait permis d’occuper le jardin donnant sur la rue qu’ils surnommèrent « le parc ».
Léon et Auguste étaient retranchés à l’arrière du jardin et bénéficiaient du potager, du poulailler et autres cages à lapins.
Les clans rivaux s’affrontèrent afin de récupérer l’allée d’arbres fruitiers demeurée neutre à ce jour. Le cerisier, le poirier, le pommier et le pêcher offraient de véritables régals, dignes d’une guerre sans merci. Le secteur, pris en étau entre les deux camps, était suffisamment reculé pour ne pas attirer les regards parentaux. Or une brèche dans le grillage du voisin permettait de pénétrer chez lui dans le but de ravir fraises, groseilles, framboises et cassis.
D’hostiles stratagèmes s’élaborèrent dans l’ombre.

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lundi 17 mai 2010

9 - 5 : L'étoile flamboyante


9 – 5

Par un petit matin brumeux de rosée et sur l’avis d’Auguste qui était resté à l’intérieur pour observer les mouvements ennemis et distraire les parents, Léon traversa la cave humide où s’esquintaient les toiles de son oncle peintes au couteau. Il se dégagea d’une toile d’araignée et poussa de toutes ses forces sur une porte discrète donnant sur l’avant du jardin. Il rampa jusqu’au parc armé d’un sécateur, alerte et décidé. Sans hésiter, il coupa les têtes royales et les restes des roses jaunes, rouges, roses ou mauves furent balancés dans le terrain riverain. Le parc aux allures magnifiques devint un champ d’amertume et le manège continua jusqu’à l’invasion des pucerons sauvagement préméditée par les garnements, pas vus, pas pris, qui réussirent à discréditer le travail de leurs cousins.

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lundi 10 mai 2010

9 - 6 : L'étoile flamboyante


9 – 6

- « La vengeance est un plat qui se mange froid ! » avait lâché Firmin en se cognant volontairement contre Auguste dans le couloir, les yeux luisants d’aigreur.
Le lendemain rien ne se passa, le surlendemain non plus. Un certain temps s’écoula.

Léon aimait l’heure crépusculaire, la fraîche odeur de la nuit naissante striée de lignes roses, aussi accompagnait-il sa mère dehors. Elle parcourait la pénombre du regard appelant le chat qui ne souhaitait pas rentrer bien que la pâtée soit servie. Le petit garçon en profitait pour visiter son ami Nestor, un lapin à qui il avait épargné la casserole tant son désespoir avait ému sa mère. Léon confiait ses délires enfantins à l’animal qui l’écoutait sans réagir. La lune miroitait timidement entre les nuages déjà noirs. Un petit vent frais s’immisçait sous les chemises intimant l’heure d’un dîner tardif. On posait à peine les bols sur la nappe bleue que le bénédicité d’à-côté était rincé à l’eau de vaisselle. On mangeait simple et sain sans laisser filtrer un mot. La soupe de légumes au lard, où s’imbibaient des morceaux de pain, fumait entre les mains et brûlait les gosiers. Le chat cherchait à rentrer et miaulait désespérément, la queue tendue vers le ciel, à la porte de derrière. Il faudrait se coucher aux sons de ses jérémiades et s’endormir sur une oreille en gardant un œil ouvert.
L’activité physique de la journée avait finalement raison des corps et les enfants sombraient dans un repos réparateur, nécessaire, car le lendemain ne serait pas sans importance.


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lundi 3 mai 2010

9 - 7 : L'étoile flamboyante


9 – 7

La violence attire l’inhumanité.

Le boomerang de la vengeance venait de revenir entre les doigts de Firmin qui s’arrêta un instant sous le sapin centenaire avec un petit rictus satisfait. Il se frotta les mains vigoureusement sur l’écorce chaude, aussi dans les herbes, il les respira puis se composa une mine angélique avant de se diriger vers le perron. Il replaqua sa mèche rebelle avant de rejoindre la cuisine d’un pas de souriceau. Gérôme l’attendait pour sa leçon de calcul.

« Ils sont parfaits ces petits ! » se disait Gisèle en repassant des mouchoirs dans la cuisine.
« Si tendres ! Si calmes ! Si attentifs ! »
Bientôt elle irait mettre l’eau à chauffer pour le thé. Elle irait sortir la boîte à gâteaux de sa cachette. Les galettes de Saint-Michel-Chef-Chef récompenseraient les soustractions et les divisions du moment. Le goûter rosirait les joues de ses enfants idéaux.

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