lundi 29 novembre 2010

7 - 5 : Il était une fois



7 - 5



J'ai repris conscience peu après, j'ai pris une douche. Tel un revenant je me suis essuyée sans rien sentir. J'ai ramassé mes vêtements que j'ai mis au sale et je suis allée prendre du papier toilette que j'ai laissé tomber par terre sur le sang. J'ai contemplé la manière dont le papier sombrait en s'imbibant, puis je suis retournée en chercher et mon regard s'est perdu au fond de la cuvette des toilettes. Un bout de chair flottait à moitié dans le trou. Je me suis mise à genoux pour le voir de plus près, le foetus minuscule ballottait sereinement contre les parois. Là, j'ai rampé avec du papier toilette jusqu'à la flaque. J'ai récuré le sol avec frénésie jusqu'à l'épuisement. Puis j'ai jeté le tout sans réfléchir et j'ai tiré la chasse avant d'aller me coucher.
J'ai dormi et mes songes étaient fiévreux et délirants. Je retournais des formules dans ma tête afin de trouver la manière la plus délicate pour l'annoncer au papa. S'il revenait un jour de Denver dans le Colorado... Je ressentais le noir, la fatale obscurité du désespoir et j'ai prié ma mère de me réveiller de cet affreux cauchemar.
Pourtant, le lendemain, les toilettes étaient bouchées.


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lundi 22 novembre 2010

7 - 6 : Il était une fois



7 - 6


Mon père, ancré dans mon corps comme dans ma mémoire, s'est préoccupé très tôt de ma virilité. J'étais béni des dieux pour lui, il aurait eu grande peine d'avoir une fille, non que ce soit un réel déshonneur, cependant il était tellement plus gratifiant d'avoir un fils. Le mâle puissant qu'il était, pouvait ainsi se prouver à la face du monde. Sa vie avait trouvé un sens qu'il aboyait en parfait chef de meute. Je savais que mon père m'aimait par-delà sa belle indépendance et donc ses absences répétées car le temps qu'il investissait auprès de moi était vécu avec intensité.
Très jeune, j'ai beaucoup joué avec lui à toutes sortes de loisirs et son intelligence tramait un subtil enseignement, en effet, j'ai le souvenir précis de ces moments partagés et de ce qu'il m'a fait comprendre sur l'existence. Longtemps, il a été mon dieu accessible, fier, et mon avenir. Je me laissais envahir par sa présence et je m'évadais dans le flot de ses paroles. Je lui vouais une confiance extrême, aussi toute mon attention.
Il espérait tant de moi ! Tant, qu'à mon échelle d'enfant, cette montagne m'impressionnait.


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lundi 15 novembre 2010

7 - 7 : Il était une fois


7 – 7

Je recherche la compagnie féminine pour l’arôme, la douceur, la discussion perpétuelle. Où que je sois avec elles, je vis un spectacle. Loin d’être un attaquant, je préfère séduire en rassurant. J’adore être cajolé, parler à bon escient et toucher incidemment. En toute sincérité, j’ai commencé par convaincre ma mère et les autres ont suivi qu’elles aient été plus ou moins rétives.

J’ai consacré beaucoup de temps et d’énergie dans la considération et la manipulation de ma verge. Il était important de m’assurer de son bon fonctionnement et d’en assurer les autres. J’ai pas mal fantasmé, bandé et éjaculé et baisé et fait l’amour avant de réaliser l’étendue de ses possibilités.

Je n’ai pas choisi de rencontrer la femme de ma vie au cours d’une scène d’une pareille banalité. Je suis tombé amoureux au coin de la rue. Au coin de ma rue ! Cet axe que j’ai emprunté à toutes les heures et dans tous les états, ce chemin devenu utilitaire, dénué d’intérêt. Juste ici, contre la façade du boulanger où je ne vais plus depuis qu’il ne m’a pas rendu correctement la monnaie.

 
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lundi 8 novembre 2010

7 - 8 : Il était une fois


7 – 8

Dès que je l’ai entrevue, j’ai su, avant de connaître son timbre de voix. Je n’espérais rien de précis, elle n’attendait rien. Nous nous sommes plus. Les choses se créent parfois à l’insu de nos propres convoitises. Le fait est que le soir même elle s’installait chez moi pour ne plus me quitter.
Au début, elle s’est vidée comme un vase trop rempli, elle m’a raconté son histoire qui n’avait rien de féerique, j’ai écouté. Elle avait fait une fausse-couche et le père avait disparu aux confins des États-Unis.
Elle m’a touché au cœur comme mon père l’avait fait. Cette nuit-là elle s’est assoupie sur mon épaule. Son souffle chatouillait chaudement la surface de ma peau. Je louchais pour déceler ce visage noyé de mèches sensuelles. J’ai pensé à mon père avec émotion. Cette femme me permettrait de lui rendre l’honneur qu’il m’avait fait et d’ainsi perpétuer sa lignée.
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lundi 1 novembre 2010

7 - 9 : Il était une fois


7 – 9

Quand les hommes et les femmes oublient la société, qu’ils taisent les complexités religieuses, ils redeviennent sorciers à la faveur de la lune et la magie opère. Il y a de l’écho dans l’infini comme il y a des étoiles dans le ciel nocturne, comme les éclairs claquent telles des portes qui s’ouvrent et qui se ferment. L’amour est un passage, un transport, un message pas toujours facile à passer. Il nous fait omettre, éperdus d’insouciance, la crainte de faire naître un enfant voué à la souffrance. La vie telle que nous la concevons est-elle si belle ?
 
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