lundi 26 décembre 2011

Homicide X : 2 - 7


2 – 7

Comme Midori reste silencieuse, Samuel parle de sa vie. Du pourquoi il est devenu peintre, de son refus de la réalité.
- « Alors pour toi je ne suis qu’un fantasme de plus. »
- « Cela te dérange ? »
- « Bien au contraire ! »
- « Que veux-tu dire ? »
- « Nous sommes des consommateurs, voilà tout. Toi tu veux pomper ma jeunesse et moi ton portefeuille, quelque part l’équilibre est respecté. »
- « Tu veux de l’argent ? Mais c’est du délire ! »
Samuel est choqué.
- « Pourquoi m’as-tu ramenée chez toi ? Pour me baiser ? Pour me faire poser ? Qu’importe que ce soit pour l’un ou pour l’autre, de toute façon, il te faudra payer. »
-« Ok ! Puisque c’est comme ça, tu vas poser ! »
- « Nue ? Alors ce sera plus cher ! »
- « Déshabille-toi ! »
- « Les billets d’abord. »
Samuel lui tend l’argent. Son excitation se transforme en passable irritation. Il ne supporte plus ce chewing-gum qu’elle mastique bouche entrouverte. Sa moue est à la fois candide et extrêmement étudiée. Qu’elle âge peut-elle avoir exactement ? Seize ans, dix-sept ans peut-être… Peu importe, il a payé, il a tous les droits ! Comme elle dit : le client est roi. Elle plie consciencieusement ses billets dans son porte-monnaie et sans lever les yeux, entreprend son strip-tease.
- « Tu peux être belle mais tu es d’une banalité en cet instant précis ! »
Elle est piquée, sa cambrure s’est affirmée d’un coup, son regard noir luit rageusement.
- « Voilà, là tu as du chien ! »
Elle bout, coite, attendant qu’il lui explique la suite de son élucubration.
Samuel improvise une estrade avec la table du salon sur laquelle il précipite un linge bleu en cascade. Il lui fait signe de monter.
- « Je ne t’aide pas puisque tu es une vraie professionnelle ! »
Elle ne se laisse pas démonter et s’installe sur son piédestal plus boudeuse que jamais. Il s’assied dans son fauteuil et la contemple un long moment sans commentaire.

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lundi 19 décembre 2011

Homicide X : 2 - 8


2 – 8

- « Je ne vais peindre que ton corps. Ton visage est fermé tant tu es gênée. »
- « Je ne suis pas mal à l’aise ! »
- « Ce n’est pas la nudité qui t’effraie, c’est mon regard. Ce qu’un vieux con comme moi peut bien penser d’une si jeune personne qui se vend déjà. Ce que songeraient tes parents en te voyant affalée sur mon drap bleu. Tu es si concrète que le rêve semble s’être détourné de toi. Ton esprit n’est pas formé que ton corps s’étale déjà sans complexe. Ma toile va sentir la chair fraîche. »
- « Parce que tu ne te vends pas à travers ton art peut-être ? »
- « Si. Mais je maîtrise ce que je donne autant que ce que je prends. »
- « Alors nous sommes trop différents pour nous comprendre. »
- « Au contraire, nous partageons la crainte du lendemain. Moi, je vis ma bohème et toi, tu engranges ce que ta fraîcheur peut te rapporter. »
- « Ce n’est pas moi qui détermine le fonctionnement du système. La sélection naturelle d’aujourd’hui c’est la richesse et la beauté. Il se trouve que nous ne sommes pas égaux. J’ai eu de la chance, je ne suis pas vilaine, aussi, suivant les conseils de Ronsard, je n’ai pas l’intention de passer à côté des portes que mon physique peut entrouvrir.»
Samuel soupire à son tour. L’atelier s’illumine à l’aurore. Il se sent accablé par sa nuit mais il décide de se mettre au travail. Il se perd silencieusement dans ses préparations.

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lundi 12 décembre 2011

Homicide X : 2 - 9


2 – 9

La toile lui fait désormais face. La surface vierge le fait frissonner. Il vibre sous le coup de multiples émotions qu’il ne trie pas encore, il les exprimera par la grâce des matières. Il fait un pas en arrière, retient sa respiration comme s’il ne devait jamais refaire surface. Mécontent, il grogne et traverse l’atelier jusqu’à Midori qu’il saisit brusquement. Il lui impose une attitude suppliante, les bras tendus et les paumes offertes au regard du ciel. La position très anti-naturelle devait rapidement devenir un supplice pour la demoiselle dont les coudes tremblotants indiquent déjà le calvaire.
Enfin satisfait, il regagne le point de vue de son chevalet. Il s’arme d’un pinceau puis expire au maximum avant de saisir avec assurance les contours de la jeune fille d’un noir luisant teinté de grenat. Ses élans, presque brutaux, font apparaître le mouvement sur la toile, ironie, tandis qu’il considère son modèle immobile. Un soleil blafard déambule dans la pièce. Samuel est un animal livré à son instinct, il griffe l’épaisseur de la sombre pâte huileuse avec un couteau, le pinceau gît au sol, il était devenu inutile. Par sa gestuelle, il accentue l’étirement de son personnage, déterminé à faire jaillir un esprit de ce corps.
Dès l’instant qu’il peint, le temps n’existe pas.
Midori à la limite de défaillir, baisse les bras.
Le peintre l’ignore, perdu dans son combat avec la matière. Ses doigts sont gluants de la chair de son personnage, ses yeux sont absorbés, ailleurs, dans cet inconnu qu’il crée. Elle glisse lentement jusque sur le tapis épais et trotte le plus discrètement possible vers la cuisine. Elle se sert un verre d’eau. Elle ouvre le réfrigérateur et y passe la tête pour se rafraîchir. Il n’y a rien dedans hormis de la bière et une bouteille non étiquetée.
- « Tu peux me dire ce que tu fais là ? »

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lundi 5 décembre 2011

Homicide X : 2 - 1O



2 – 10

Midori fait face. Les fourmis qui lui courraient dans les bras se sont figées dans ses veines.
- « Je me désaltère. Il s’agit d’un acte vital, tu n’as aucun droit de me l’interdire. »
- « Tu as raison. Je n’ai nullement l’intention de te nuire, tu sais. Je ne suis pas un criminel. Je n’ai jamais tué personne. Tous les hommes ne sont pas les monstres que tu imagines. »
Samuel dégouline. Midori le trouve presque touchant, bien qu’un peu pitoyable. Elle n’est pas fan de peinture, ce type n’est rien pour elle. Il est même très éloigné de l’idéal d’une demoiselle de seize ans qui en paraît vingt-deux. Elle a conscience de la valeur commerciale du corps de sa jeunesse. Elle conçoit la place des fantasmes dans ce monde de virtualité. En poupée manga, elle entre dans le jeu des adultes, dans les enjeux et les vices du quotidien. Elle ne perdra pas sa partie. Elle consommera sa part, ce sera toujours cela de pris, qu’elle trouve ou non un sens à la vie, une réelle utilité.
Samuel détaille Midori nue dans sa cuisine. Elle n’a strictement rien d’une ménagère. Elle traîne jusqu’en plein jour ce je ne sais quoi de lunaire, comme un manque de réactivité au soleil, une pâleur revendicatrice d’obscurité. Ses yeux sont des braises mystérieuses qui transpercent une frange épaisse. Elle doute, aussi se montre-t-elle agressive. Il fait un pas vers elle, pose la main sur son ventre, puis il passe dans son dos et fait remonter sa main jusqu’à la maintenir muette. Il frôle l’oreille percée :
- «Après nous avoir accouchés, les femmes n’ont qu’une façon de nous espérer à nouveau dans leurs ventres : en nous dévorant. »
- « Je n’ai rien compris ! »
- « Retourne poser. »
- « Mais j’ai très mal dans les bras ! »
- « Vas te préparer. Je reviens avec la solution. »

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lundi 28 novembre 2011

Homicide X : 2 - 11


2 – 11

Samuel se dit en lui-même en partant que si les femmes avaient conservé une confiance impassible en l’homme, elles n’auraient pas à s’épuiser en rivalité puérile. Le sexe fort, l’emblème phallique millénaire, c’est quand même bien Lui. Devant l’effort physique, elles avaient besoin de bras. Voilà le résultat de l’ère technologique : moins de muscles et plus de prises de tête. Ce nouveau millénaire sera spirituel, paraît-il ? Faudra-t-il que toutes les femmes prennent une démarche de charretier et que les hommes acceptent la castration morale ? La religion nous conseille l’amour et promulgue les attentats. La société charrie et saigne ses hordes de célibataires. La génétique vole l’arc de Cupidon… Samuel gravit l’escalier, à l’étage, il se penche au balcon et jette un cil sur Midori, qui, juste sous lui, assise sur la table laisse balancer sa jambe telle une enfant affranchie. Il soupire en passant devant la porte de sa chambre qu’il referme machinalement et s’engouffre dans sa caverne aux trésors au bout du couloir. Ici, il archive, il entrepose tout cet indispensable dont il n’use que rarement : meubles en attente de rafraîchissement, objets insolites dénichés dans les vide-greniers du quartier, lampes sans lumière, horloge sans tic tac. Il se met à fureter, inconsistant au milieu des cartons non étiquetés et des sacs de voyage vides. Voilà qu’il tombe sur une corde assez longue pour le satisfaire aussi s’en retourne-t-il le cœur léger. Lorsqu’il reparaît du haut de son balcon, il lance en souriant un :
- « J’ai trouvé !», faisant immédiatement démonstration de sa trouvaille.
- « Tu as décidé de me pendre? »
Midori laisse sortir un bout de langue rose à une encoignure de sa bouche et révulse les yeux, agonisante.
- « En quelque sorte, mais tu vois le mal partout, je pensais principalement à te soulager… »
Il noue la corde à la balustrade puis fait remonter l’autre extrémité jusqu’à lui et la fixe.
– « Mon grand-père m’a appris à faire certains nœuds qui servent aux marins. L’un d’entre eux a le pouvoir de ne pas se refermer. Ainsi tu pourras prendre appui sur la corde ce qui te demandera un moindre effort. Nous ferons des pauses régulières. J’ai posé une bouteille d’eau près de toi… »
Midori se remet en prière. Elle semble s’être décontractée malgré la difficulté de la tâche.


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lundi 21 novembre 2011

Homicide X : 2 - 12


2 – 12

Samuel s’abandonne à nouveau, sans palette, il jette les couleurs sur la toile. Il les caresse ou les attaque, les griffe, les mélange, les lisse ou les empâte. Il contraste la blancheur opaline de son corps d’huile fraîche avec l’assombrissement d’un paysage qu’il n’esquisse qu’à peine dans l’atmosphère d’une lune probablement dévorée par les nuages. Plus il pénètre l’image qu’il crée et plus il progresse dans ses propres révélations. L’été, qui pourtant, à poser ses valises dans l’atelier ébloui et surchauffé, ne transparaît d’aucune manière sur la toile. La noirceur mystérieuse et intemporelle d’où jaillit la Midori figurée ne transmet qu’un frisson d’étrangeté. Il ne fait pas si chaud à l’orée de ce corps bloqué dans l’obscurité. Le tableau est loin d’être achevé mais il est sorti. Il existe déjà. Il produit un effet encore un peu confus du fait de sa luisance extrême. Samuel s’essuie les mains et remet sa mèche en arrière.
- « Nous allons faire une pose ! »
Il va aider Midori à descendre, l’assiste pour passer un peignoir et l’invite à le suivre dans la cuisine. Il propose un verre d’eau. Elle accepte un soda et se contente d’un sirop d’orgeat. Il se sert une vodka. Ils se désaltèrent en fixant le cul de leurs verres, essoufflés par la température exceptionnellement caniculaire. Précisément, ils n’ont plus grand-chose à se dire. Ils sont près des fourneaux comme un vieux couple d’hypertendus, convaincus que tout ce qui est atteint est détruit. De retour de l’autre côté, Samuel incite Midori à venir voir ce qu’il a avancé. Celle-ci refuse. Princesse hautaine, elle regrimpe sur son trône sans desserrer les lèvres. Sans tarder, Samuel reprend son ouvrage. Sa créature s’est opacifiée sous l’assaut des rayons solaires alors il la galbe, joue des nuances, arrondit ses anguleux secrets. On entrevoit un visage assez flou, un regard indistinct qui mène droit au rêve. Samuel retravaille avec un pinceau fin les reflets de la chevelure mouvementée. Il peaufine la douceur du grain, l’air menaçant de ce sein pointé vers le ciel. Il retouche les plis de la taille, l’ombre des chevilles, des genoux, la cambrure du pied. Il s’applique à la vérité de ses mains suppliantes, à la souffrance de ce corps en attente.

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lundi 14 novembre 2011

Homicide X : 2 - 13


2 – 13

Le téléphone retentit de façon surprenante. Samuel hésite et disparaît finalement en se vengeant sur le torchon. Ne parviennent que des bribes de conversation :
- « Non, mais tu plaisantes !... »
Rire. Silence. Rire. Soupirs. Les sons s’éloignent. Midori tend l’oreille. Rien. Elle décide d’aller écouter ça de plus près. Il raccroche. Elle glisse. La corde coulisse sous la traction. Midori, surprise, voit Samuel revenir les yeux baissés, radieux. Il abandonne le torchon avec lequel il était parti, il récupère sa veste sur le portemanteau et lui lance juste un : - « Je reviens… »
Elle entend déjà se refermer la porte d’entrée.
Midori n’en revient pas. Elle se dit tout haut :
- « Il s’est barré ce con-là ! »
Machinalement, elle tire sur la corde mais celle-ci s’est resserrée sur ses poignets. Elle s’agace et au comble de l’excitation, elle se déchaîne sur son lien, qui à l’inverse de l’effet désiré, se rétracte au point de la blesser. Désormais debout, elle essaie de reprendre son souffle qui s’accélère dans la panique entraînant ses pulsations cardiaques.

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lundi 7 novembre 2011

Homicide X : 2 - 14


2 – 14

Samuel tourne au coin de la rue. Il traque l’ombre. Le bruit jaillit de toutes parts lorsqu’il débouche sur le boulevard. Il fuit jusqu’au café de « L’Escargot » où Benjamin et Jean l’attendent, déjà à moitié ivres.
Les vieux amis sont là avec leurs souvenirs de quatre cents coups et de coups à remettre. Ils se gondolent pour un rien, étayant le comptoir.
- « Tu ne vas pas être déçu d’être venu ! »
- « Alors que se passe-t-il ? »
- « Laisse tomber. Paie ta tournée et suis-nous ! »
Samuel ne cherche plus à comprendre. Il se commande un Jack et se laisse absorber par la conversation. L’alcool monte, il suffoque, espérant le retour du ventilateur mobile.
- « Je file aux toilettes. Nous n’allons pas tarder… »
Benjamin contourne le flipper et disparaît dans l’angle mort.
- « Tu peux bien m’éclairer Jeannot… »
- « Toute occasion rare, nous est chère, tu te rappelles ? »
- « Oui, cela dit, je ne suis pas beaucoup plus avancé. »
Benjamin reparaît.
- « Tu vas voir ! »

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lundi 31 octobre 2011

Homicide X : 2 - 15


2 – 15

Rien à faire, Midori est prise au piège.
Les encoignures de ses lèvres sont sèches, elle a malencontreusement fait tomber la bouteille d’eau que Samuel lui avait accordée en se débattant au bout de la corde. Elle s’efforçait de faire coulisser ses mains, les affinant autant que possible, quand elle a dérapé le pied pris dans le drap bleu et s’est cognée la tête. Les insectes qui lui dévoraient les bras ont laissé place à un effrayant courant froid qui la paralyse jusqu’aux épaules.
Il ne revient pas.
Il a menti. Un son vient de résonner dans le couloir. Midori cesse de respirer. Elle n’a pas rêvé, l’ascenseur ferme ses portes pour redescendre. Des pas inaudibles doivent se rapprocher de la porte d’entrée. Elle éclate en sanglots dès qu’elle s’aperçoit qu’il s’agit du voisin. Elle se met à hurler alors que des cliquetis persistent. Puis rien, plus que l’appel d’air de la lourde porte blindée du sourd d’à-côté.

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lundi 24 octobre 2011

Homicide X : 2 - 16


2 – 16

Jean a rangé sa vieille bagnole de l’autre côté de la rue. Samuel monte à l’arrière. Il regarde la ville à travers la vitre comme depuis un bocal. Les parisiens sont en vacances. Un climat presque provincial règne sur la capitale. Les terrasses des cafés donnent vie aux trottoirs. Le ciel bleu promet l’insouciance. Ils arrivent Place de la République et commencent à tourner afin de trouver un endroit où se garer. Justement, une voiture s’en va.
- « Nous y voilà ! »
Ils sont rue René et entrent dans un immeuble discret en pierres de taille. Il montent à pied jusqu’au cinquième, essoufflés et suants.
- « À toi l’honneur ! »
Samuel se contient. Il sonne. On lui ouvre. Il n’en croit pas ses yeux !




Midori est inconsciente. Elle a pleuré. Elle a gémi. Elle a crié. Personne n’est venu. Personne n’a entendu. Elle est restée combative un long moment avant de sombrer dans la folie de la peur et de la souffrance. Sa cheville a doublé. Son dos trop cambré l’a torturée. Elle a vu ses mains blanchir avant de se contracter telles des serres. Elle a commencé à se refroidir. Le sang abandonnait l’extrémité de ses membres pour aller préserver les organes vitaux. Elle s’est mise à prier, néanmoins le froid continuait de l’envahir lentement. Elle ne ressentait plus l’été, que la terreur de cette solitude morbide.

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lundi 17 octobre 2011

Homicide X : 2 - 17


2 – 17

Samuel s’essuie le front avant d’entrer.
Jamais il n’aurait songé revoir Mariella, en tout cas pas depuis la fin de ses études d’Histoire de l’Art à l’institut Michelet. Elle a forci mais elle est toujours resplendissante. Avec elle, remontent à la surface l’amertume du café du Gamin de Paris, la confusion de la jeunesse en quête d’elle-même dans les allées du Luxembourg, les études bâclées.
- « Eh bien, pour une surprise : c’est une surprise ! »
Mariella jubile :
- « Et ce n’est rien ! Te souviens-tu de cette histoire avec mes soeurs ? »
Elle s’est rapprochée et le fixe de ses grands yeux verts. Il la saisit et l’embrasse soudainement. Elle répond passionnément à ce baiser sans nostalgie puis l’arrête pour le questionner à nouveau du regard.
- « Tu sais que je n’y ai jamais cru. »
- « Tu vas en avoir la preuve ! »
Elle le prend par la main et l’entraîne à sa suite dans le couloir.
Benjamin et Jean sont en charmante compagnie dans le salon. Visiblement, ils connaissent intimement les demoiselles en présence et n’ont pas attendu leur camarade pour débuter les préliminaires.
- « Je te présente Marie et Marion. »
Elles lui font face, se dégageant de leurs étreintes et le saluent, l’une d’un clin d’œil, l’autre d’un sourire complice. C’est incroyable ! Cette vieille histoire de triplées était donc vraie… Mariella s’était jouée de lui lors de rendez-vous galants, préférant lui envoyer ses sœurs lorsqu’elle avait mieux à faire ou à connaître.
- « Tu en étais une sacrée ! »
- « Je le suis encore ! »
Elle l’agrippe et le mène jusqu’à la chambre. Elle se dévêtit terriblement aguichante dans sa lingerie écossaise. Il se laisse happer et tomber sur le lit soyeux. Mariella se met sur lui et comme pour répondre à sa dominance, il retourne la situation. Il est désormais sur elle et lui maintient les poignets au-dessus de la tête, l’air triomphal.
Elle rougit de gourmandise et pour l’encourager davantage, elle lui susurre languissamment un :
- « Tu veux m’attacher ?»
Samuel se redresse d’un bond. Une énorme suée le rend liquide, mis à nu devant Mariella incompréhensive, il se rhabille aussi vite qu’elle l’a déshabillé.
- « Il faut que j’y aille… »
- « Tu plaisantes ? »
Il ne prend pas le temps de répondre et quitte l’appartement sur le champ.
(.../...)

lundi 10 octobre 2011

Homicide X : 2 - 18


2 – 18

Samuel court comme un dément dans la rue et se jette dans un taxi.
Il donne son adresse. Le conducteur fait taire son chien assis à ses côtés et jette un cil suspicieux sur son passager. Samuel transpire à grosses gouttes.
- « Vous ne supportez pas la chaleur ? »
- « En effet. »
- « Vous êtes comme ma femme. Un rien lui donne des bouffées de chaleur, alors la canicule, vous pensez ! »
Samuel n’entend plus. Le monde ne file pas assez vite. Les mouvements de la rue se décomposent de manière abstraite contre les vitres de la voiture. Le taxi finit par arriver. Il paie. Il jette un coup d’œil alentour et s’engouffre dans l’immeuble. Il cherche ses clefs. Il les fait tomber dans sa précipitation. Il y est.

La nuit est tombée comme un masque sur la réalité. Les rideaux ne bougent plus. Samuel se réveille de son cauchemar. Il se dresse les cheveux collés au front. L’émergence est difficile, il se sent troublé par une sensation singulière. Un doute. Un doute terrible. Son pouls change de cadence. Il descend l’escalier : le tapis est là. Il n’a rien rêvé. Il va s’installer dans son fauteuil pour méditer un instant sur ce spectacle sordide, puis il va regarder en bas par la baie vitrée : personne. Alors il prend son courage à deux mains et s’attelle à tirer le tapis jusqu’à la porte d’entrée. Il inspecte l’étage par le judas. Il ouvre la porte et traîne Midori momifiée. Il ne s’amuse pas, néanmoins il parvient à la mettre debout dans l’ascenseur.
Il la hale plus sereinement sur les dalles du hall. Il la dresse contre le mur le temps de vérifier l’extérieur et sort finalement sa tapisserie. La lune en unique témoin, il déroule le tapis rouge. Le corps roule sur le trottoir et va buter contre un véhicule. Prêt à un ultime effort, Samuel la livre au caniveau parisien.

Il lève les yeux au ciel et souffle un bon coup. Enfin il va se coucher l’âme plus légère. Avec un peu de chance, il aura de ses nouvelles demain : aux infos.





lundi 3 octobre 2011

Félicie Gambetta

"Je n'ai plus rien à cueillir,
Que mon âme qui s'ébranle
A l'idée de l'hiver à venir."

FELICIE




lundi 26 septembre 2011

3 - 1 : Félicie Gambetta



FÉLICIE GAMBETTA


3 - 1

Félicie se dresse doucement de son vieux fauteuil, ses reins résonnent en lancinante douleur. Elle se dirige vers la fenêtre, pose ses mains de chaque côté de l’encadrement et se met à regarder dehors.
La photographie de son amour fantôme…Marcus… l’observe depuis son cadre jauni. Il semble armé de son sourire moustachu en guidon de vélo et admire sa Félicie contemporaine se découper dans la lumière au bout de la pièce. L’appartement s’est abandonné au passé, seule la vigueur du soleil réjouit ses murs silencieux, c’est pourquoi Félicie se tient là, frémissante. Elle regarde la vie à l’extérieur si souvent qu’elle a laissé son empreinte sur les carreaux. Il faut dire qu’il y a bien longtemps qu’elle se contente de capter le monde à travers ses couches de poussière qui sont autant de saisons, tant d’années qu’il n’est plus l’époque de se retourner, aussi ses iris délavés clignotent-ils chaque jour derrière la vitre. De sa vigie elle se mêle à l’atmosphère de l’avenue Gambetta. C’est l’automne, les feuilles s’échappent des tas qu’on leur impose et virevoltent en tourbillons à l’entrée du métro Pelleport. Ce n’est pas encore l’heure de la sortie des classes, non, Félicie se retourne et regarde son divan avec amour, c’est l’heure de la sieste.

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lundi 19 septembre 2011

3 - 2 : Félicie Gambetta




3 – 2

Félicie s’approche de sa forme que le temps a modelée dans les profonds coussins et s’y imbrique, se recouvre d’un plaid et cale sa tête sur un doux oreiller. Elle livre cours à ses émotions les yeux ouverts. Dire que jeune elle aurait rêvé de pouvoir faire la sieste mais que cela n’était pas possible, la vie au début est pressante. Elle sourit en se remémorant une fameuse sieste avec Marcus, elle lui jette à son tour un regard complice et tendre, puis finit par fermer les paupières. Dès l’instant que le fin rideau de chair s’abaisse, c’est dans le calme de son enfance qu’elle refait surface. Elle serre les poings et peut redevenir, un instant, l’enfant insouciante bercée par sa mère. Félicie s’évade dans un rêve. Au loin, le ronron continu des voitures se transforme en ruisseau, un grand saule pleureur se courbe au-dessus d’elle, un oiseau bleu est là, sur une branche, qui la regarde simplement.
- « Nous élève-t-on pour un jour toucher le ciel ? »
L’oiseau s’envole et vient se poser à terre près de Félicie. Il ouvre le bec et répond :
- « Viens caresser mon aile bleutée… son reflet dans la lumière me protège des prédateurs en me rendant invisible. »
- « Alors tu voles comme les fantômes ? »
- « En quelque sorte. Mais sais-tu ce qu’est un esprit toi qui en parles ? »
- « Une âme qui va au ciel… »
L’oiseau s’envole et vient atterrir sur sa tête.
- « Tes ailes à toi, ce sont les deux hémisphères de ton cerveau… »

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lundi 12 septembre 2011

3 - 3 : Félicie Gambetta


3 – 3

Quelqu’un vient de crier. Félicie se réveille en sursaut, se redresse et se dit à elle-même pour se rassurer :
- « Mais que se passe-t-il ? »
Elle se presse d’accéder à la fenêtre qu’elle ouvre timidement. Trois hommes se battent à la sortie du métro, l’un d’eux se débat à terre et hurle en accrochant son attaché-case. Les gens autour fuient ou se pressent en baissant la tête. Félicie n’en revient pas, aussi se met-elle à s’égosiller en voix off de chez elle :
- « POLICE ! POLICE ! »
Les agresseurs, dans le doute, lâchent prise et partent comme des dératés. L’homme à l’attaché-case parvient à se relever et replace ses lunettes, indigné, en rentrant dans le café d’en bas. La police n’a pas même été alertée que tout reprend son rythme normal. Félicie referme la fenêtre, sa sieste n’a pas été d’un calme olympien, cela dit, un soulagement déplisse les anciens soucis de son front.
C’est l’heure du thé. Elle passe à la cuisine, une pièce étroite pleine de bocaux et d’étiquettes aimantées sur le réfrigérateur. Félicie attrape la bouilloire chromée et la pose sur le feu, un crépitement métallique s’échappe de l’ustensile. Tandis que l’eau chauffe, son regard se perd sur son reflet gondolé, elle ferme le couvercle et sort les petits gâteaux de l’armoire. Ils ont pris l’humidité, elle les met dans une assiette, il faut les manger. L’eau bout, la boule est prête. L’infusion pourra débuter dès que l’eau ne sera plus que frémissante. Félicie regagne le salon et s’assoit à la table devant la nuit de Katmandou qui envahit sa tasse. Elle hume les arômes voyageurs du gingembre, du lotus et du litchi qu’elle reconnaît et cherche à débusquer les parfums inconnus de riches fleurs indiennes qui pourraient la faire s’évader de ce quotidien de la vieillesse parisienne. Personne ne sonne plus à la porte. Personne n’écrit plus depuis longtemps. Les rires d’enfants n’appartiennent qu’à la rue. La liberté s’arrête au départ des oiseaux. Heureusement, Marcus offre son éternelle présence depuis son cadre mais il ne répond pas et Félicie en est rendue à parler toute seule, à se souvenir ou à songer.

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lundi 5 septembre 2011

3 - 4 : Félicie Gambetta



3 – 4

- « Je vais manger un petit gâteau pour toi mon Marcus ! Pas terrible, il est mou... »
Marcus s’en fiche et continue de sourire impassiblement. Félicie retourne errer près de sa fenêtre. Les voisins sont rentrés, l’allogène est allumé. Le gamin du troisième de l’immeuble d’en face sèche devant ses cours dans sa chambre, sa mère s’anime en cuisine. Le proprio du second sort son gros chien, il passe devant la caserne des pompiers et y lance au passage un coup d’œil inquisiteur. Les collègues se retrouvent au café, c’est l’apéritif qui débute dans des cris de retrouvailles. Le boucher de la rue Haxo leur fait signe qu’il arrivera tout à l’heure. Une nuit épaisse a recouvert la ville bien qu’il soit encore tôt. Les passants accélèrent le pas suivant les conseils du vent qui rafraîchit les esprits. Une file se crée au tabac, les voitures ont allumé leurs phares et commencent à klaxonner nerveusement.
- « De stress, mon pauvre Marcus, voilà de quoi vivent les gens d’aujourd’hui ! Ils n’ont le temps de rien. »


(.../...)

lundi 22 août 2011

3 - 5 : Félicie Gambetta


3 – 5

Félicie passe la main sur sa plante verte et allume le poste de télévision afin de bénéficier d’une présence. Elle baisse le son qu’elle ne remontera que pour les informations. Elle s’installe sur le canapé, tournée vers l’écran, mais rien ne parvient à saisir son attention. Elle prend un livre de poèmes : « Rimbaud. Une saison en enfer. » Elle l’ouvre au hasard, lit et referme l’ouvrage.
- « Dire que ta saison en enfer est issue de ta jeunesse, la mienne c’est vieille et isolée que je la vis. Quand tu te maintiens trop longtemps, tu finis par peser aux autres autant qu’à toi-même. Tant que tu restes utile ta vie a un sens, mais dans cette société, un jour on décide que tu n’as plus ton rôle à jouer, on te dit que c’est bien pour toi, que tu vas enfin pouvoir faire tout ce dont tu as toujours rêvé et tu pars confiant et souriant, tu avances, petit à petit, tu ralentis, puis tu te retournes et le monde a repris sa course sans toi. Pourtant tu aurais ton mot à dire à bien des sujets si l’on te donnait la parole. Tiens ! Tu pourrais donner le goût de la lecture au gamin d’en face ou encore prendre le temps de lui faire un gâteau.»
Parler, échanger, partager, voilà ce qui manque à Félicie. Elle se dirige vers la cuisine pour mettre les pommes de terre à cuire. « Jeune, je n’avais qu’un horizon face à moi et mille moyens d’y parvenir, aujourd’hui j’ai dépassé cet horizon et je me demande comment exister encore. »


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samedi 20 août 2011

3 - 6 : Félicie Gambetta


3 – 6

Félicie enfouit ses doigts dans le pot à gros sel comme si elle plongeait la main dans le sable. Elle sélectionne un gros grain qu’elle vient placer sur sa langue. « Vivre l’instant présent ? Je ne fais que cela, pourtant, il semble perpétuellement me ramener en arrière. Mon appartement est vieux, mon histoire date, il y a péremption sur ma garde robe, mon corps subit son époque mais mon esprit n’a pas abandonné. » Félicie sort du jambon blanc, deux belles tranches qu’elle roule dans son assiette, les patates sont chaudes, elle les écrase et dépose une noisette de beurre salé. Elle saisit ses couverts et part vers la salle à manger, son torchon sur le bras. Les infos vont commencer… « Le sida touche des gens comme vous et moi… »
Félicie a oublié la moutarde, elle se relève, râle après ses articulations.
« Le PSG signe in extremis un nouvel exploit à Marseille… »
Félicie est de retour avec le pain.
« Le blues des petits viticulteurs… »
Et son verre d’eau… Elle est repartie.
« Les fonds secrets à Matignon… »
Elle se souvient de sa moutarde. Elle jette un œil dehors, côté cour.
« Les Champs-Élysées seront sous surveillance avant les fêtes… »
Cette fois-ci tout y est, elle peut enfin s’installer devant son assiette.
« Un nouveau tireur fou aux États-Unis… »
Félicie cliquette machinalement ses couverts sur le fond d’arcopal.
Le calathéa replie ses longues feuilles épaisses vers le haut pour sa position nocturne, la lumière ne l’alimente plus, la plante s’endort.
« Les alliés américains sont visés… »
Félicie se sent si proche de ce végétal alors qu’elle subit le flot d’informations qu’elle ne parvient plus à trier. Le monde qu’elle a connu est décidément obsolète et celui d’aujourd’hui va bien trop vite pour elle.
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lundi 15 août 2011

3 - 7 : Félicie Gambetta


3 – 7

Elle n’a finalement pas très grand appétit, pour cela il faudrait pratiquer la philosophie du bonheur et ce soir son ombre a pris une autre dimension. Une boule sombre lui noue la gorge et l’estomac, elle dépose sa menue vaisselle dans l’évier. C’est l’humeur triste, la grisaille sur la Capitale. Il y a tellement longtemps que Félicie vit repliée en elle-même, que ses réponses nourrissent ses questions, que la réalité s’éloigne, d’ailleurs elle se méfie des temps qui courent presque autant que des secondes qui paressent. Quelque chose vient de bouger derrière elle pourtant elle ne l’a pas remarqué perdue qu’elle est dans ces tourbillons noirs de la dépression. En premier, elle se souvient d’avoir eu le ras le bol pour les tâches ménagères, ensuite elle a cessé d’être coquette et puis ces maux de tête, cette affreuse impression de perdre sa dignité… Félicie s’étend sur son divan et son ombre se détache doucement d’elle, comme pour lui faire face. Rêve-t-elle ? Non.
L’ombre la regarde et s’assied près d’elle. Elle n’a pas réellement de visage. Soudain une voix émane de la silhouette opaque :
- « Je ne supporte plus de t’entendre pleurer au fond de toi, aussi ai-je décidé de t’accompagner ce soir. Cela te ferait-il plaisir ? »
Félicie ne répond pas. Elle observe son ombre qu’elle ne reconnaît plus vraiment et demeure entre sa peur d’être devenue folle, sa crainte de l’inconnu et la disparition immédiate des pensées maussades. Son ombre vient lui prendre la main et commence à la caresser calmement, un murmure lui parvient, une vieille chanson, Félicie ferme les yeux et se délasse enfin. La course du vent autour des arbres froisse les rares feuilles sèches qui ne veulent pas tomber. Elle s’endort, il est plus tôt que d’habitude, le film ne fait que commencer.
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lundi 8 août 2011

3 - 8 : Félicie Gambetta


3 – 8

L’ombre disparaît à l’orée de ses paupières. Félicie se retrouve assise sur un banc au bord d’un lac. Il ne fait pas froid, l’oiseau bleu est là qui va s’envoler au-dessus de l’eau aux reflets orangés. Il n’y a pas de terre à l’horizon. C’est sans doute l’infini qui s’offre en perspective. Une coccinelle s’est posée sur sa jambe, Félicie la soulève du bout de son doigt et souffle en direction du ciel serein. Le paysage est grandiose, il pousse à la bonne respiration. Tout est incroyablement quiet, la végétation ne fait que susurrer son goût pour les arômes printaniers, les nuages sont ailleurs, rien ne brise l’équilibre de ce pacifique tableau. C’est bon d’être là, c’est bon d’être simplement. Mais au bout de la contemplation vient l’ennui et Félicie se détourne pour admirer derrière elle : le champ ? Le chemin du retour… Mais d’un coup la nuit est tombée. Elle n’y voit plus rien. De l’autre côté l’Eden s’est volatilisé. Elle est debout et inquiète. Elle ne sait où aller. L’obscurité l’enveloppe et la glace. Pourtant, là, elle réalise que quelqu’un lui tient la main. Ce contact la rassure, elle se laisse guider sans contrainte, soulagée de ne pas rester figée dans l’angoisse de la nuit. La poigne est ferme, elle manipule Félicie avec intelligence et la mène sans douter jusqu’à une porte. On lui pose la main sur la poignée.
Félicie remercie tout bas son ange gardien et rouvre les yeux :
- « Qu’est-ce qui m’a pris de m’endormir comme ça ? Bonsoir Marcus, je vais me coucher. »


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lundi 1 août 2011

3 - 9 : Félicie Gambetta


3 – 9

Elle éteint la lumière et traverse le couloir qui s’étire péniblement. Elle jette un œil au Paris de tous ses émois en fermant la fenêtre, elle frémit et prend place dans son lit de mariée, les bras croisés sur la poitrine. Elle se fait penser à un gisant, le regard collé au plafond, elle fixe le halo de la lampe de chevet, une guirlande de poussière qui se balance presque imperceptiblement. Son cœur bat vite, dès l’instant où elle s’est allongée le sommeil s’est enfui. Le réveil marque l’éternelle présence du temps perdu, du temps qu’il reste. La solitude est une fausse amie, une traîtresse. Elle erre avec son air de belle indépendance et pousse l’ironie d’être présente sans jamais vous aider. Elle vous écrase, vous enfonce, finit par vous convaincre que vous ne valez rien. Vous êtes minuscule dans son néant et elle place le vide dans vos yeux qui ne possèdent plus que l’étroitesse de leur seul regard. Elle savoure l’agonie des heures et c’est votre énergie qu’elle file entre ses doigts. Félicie se redresse, ajuste l’oreiller dans son dos. Son ombre est immobile contre les rideaux tristes.
- « Toi aussi tu t’ennuies, n’est-ce pas ? Ce ne doit pas être drôle d’être l’ombre d’une vieille femme. Viens donc t’asseoir sur mon lit ! »
L’ombre se déplace en glissant sur le parquet et s’installe auprès du corps pelotonné de Félicie.
- « Alors, tu as perdu ta langue ? Réponds. »
- « Je suis très heureuse de t’avoir suivie ta vie durant. »
- « Cependant je reconnais ne pas t’avoir beaucoup prêté d’attention ! »
- « Ce n’était pas ton rôle, c’était le mien. Et pour répondre à la question, c’est ta solitude qui me pèse. Jusqu’ici, tu m’as permis de m’animer, tu m’as emmenée partout avec toi, dans tous tes mouvements tu m’as été loyale. Le soleil est mon père et tu es ma mère. Tu es mon amie et je te serai fidèle jusqu’à la fin, tel est mon destin. Alors sors un peu de ta torpeur, tu peux compter sur moi. »
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lundi 25 juillet 2011

3 - 10 : Félicie Gambetta




3 – 10

Félicie semble extrêmement affectée, elle retient ses larmes et ses iris pâlissent dans l’eau de ses émotions. Il n’y a donc que les ombres et les chiens pour rester dévoués aux personnes âgées ? Où sont passés les hommes solidaires ? Ceux qui mêlaient le passé et l’avenir pour vivre le plaisir présent au repas du dimanche. Où sont passés ces hommes qui respectaient le sens des saisons ? Faut-il ne devenir qu’un passant dans sa propre vie ? Accepter de mourir par inutilité ? L’ombre s’est mise à pleurer. Félicie tend le bras vers elle et disparaît étrangement jusqu’au poignet dans la robe obscure. C’est très doux, cela rappelle le songe du paysage idéal qu’elle faisait tout à l’heure, ce même rêve qui l’a conduite au lit, convaincue de pouvoir trouver le repos. Elle ressent que l’ombre lui dit :
- « Si tu le désires, je te laisse aux bras de Morphée et nous nous retrouverons dès l’aube. »
Mais Félicie se met à tendre l’autre bras et pénètre l’ombre comme on entre dans une forêt. Plus elle progresse et plus la lumière se raréfie comme voilée par d’énormes branches.
- « Je crois que c’est à mon tour de t’accompagner. Personne ne m’attend tu le sais bien et puisqu’on m’a laissé penser que je n’ai plus de rôle à jouer dans la société actuelle, je décide de rejoindre ton autre côté, hors du temps je serai plus à ma place. À présent je vais pouvoir rajeunir, redécouvrir, m’enthousiasmer à nouveau pour cet inconnu. Je n’ai pas de regrets quant à mes petites habitudes, d’ailleurs pour une fois je pars en laissant la lumière allumée. Demain, après demain, qu’importe, quelqu’un viendra l’éteindre.

lundi 18 juillet 2011

L'Amour Ordinaire

"L'air glacial m'a figé
Dans l'espoir de la fraîcheur
Qui pourrait me réchauffer"

MAX





lundi 11 juillet 2011

4 - 1 : L'Amour Ordinaire


4 – 1

L’AMOUR ORDINAIRE


Je suis venu me perdre près de la rue de Charenton afin de débusquer le matériel informatique qui rendra plus complexe ma perception de ce monde soi-disant simplifié. Il fait froid. J’évolue dans la grisaille ambiante des regards baissés. Songeant aux vastes horizons dont nous sommes privés. Un ciel sans couleur semble posé sur les toits des immeubles. Pourquoi regarde-t-on le trottoir défiler sous nos pieds ? Je m’arrête. Je prends une grande inspiration. C’est l’hiver. Je suis dans un passage entre la rue de Charenton et l’avenue Daumesnil et je remarque la façade d’un nouvel immeuble dont les volets coulissants en bois clair sont du meilleur effet près de belles baies vitrées. Je constate avec amusement qu’au second et troisième étages, ces baies vitrées protègent des chambres d’enfants. Un petit lit au second, le même petit lit au troisième placé au même endroit. Une commode au troisième où trône un nounours adossé à la paroi de verre et, incroyable ! Au second, la même commode avec un nounours, qui, lui aussi, tourne le dos à la rue. Mes yeux font le va-et-vient entre les deux étages. Les deux pièces semblent avoir été reproduites à l’identique. La pensée me traverse que ces gens se ressemblent sans doute, que leurs enfants doivent avoir bien des choses en commun… Et puis, finalement, cela me paraît idiot et je pars.
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lundi 4 juillet 2011

4 - 2 : L'Amour Ordinaire


4 – 2

Je n’ai pas trouvé ce que je cherchais, tant pis. Je décide de rentrer en prenant le métro Bastille. Un air glacé me saisit tandis que je longe les ateliers aux façades arrondies qui me renvoient mon image ainsi que les reflets mouvementés du Viaduc des Arts. La nuit amorce sa descente imperceptible sur Paris qui allume ses réverbères. J’arrive près de l’Opéra et m’engouffre au chaud pour aller vite choper ma rame, ligne 5 : direction Place d’Italie. Je reste debout pour mieux observer les occupants du wagon. Depuis toujours, j’assume très bien mon côté voyeur dans les transports en commun. Je cherche la place la plus appropriée pour ne pas subir d’angle mort et je fais baisser quelques regards à force d’insistance, ce qui me fait jouir secrètement. Dès que l’obscurité s’abat sur la capitale, je préfère les lignes aériennes collées aux immeubles. Je colle le bout de mon nez sur la vitre et pénètre l’intimité des ménagères entre deux portes, des jeux d’enfants sur les tapis, des cuisiniers en herbe, mais à l’esprit j’ai l’espoir de visualiser quelques scènes érotiques, un cadeau flash entre deux stations, un événement dans mon quotidien de solitaire. Quai de la Rapée : arrivée d’une très jolie brune. Elle ne quitte pas ses pieds des yeux comme si elle attendait leur signal pour s’enfuir à la prochaine correspondance. Je trouve que son manteau de laine rouge la met particulièrement à son avantage. Sa tête part légèrement en avant tandis que le train décélère, elle vérifie d’un œil la station et repart dans la contemplation des ses chaussures. Elle, n’a pas remarqué sa parfaite rivale montée lors de l’arrêt à la gare d’Austerlitz. Cette autre femme qui me fixe juste parce qu’il en faut un dans la masse qui puisse occuper son regard. Cette autre qui enrage de devoir encore faire face au reflet de la femme au manteau rouge (qui lui retire un peu de ce qu’elle est en cet instant précis) alors qu’elle lui a volontairement tourné le dos. Fait d’un malencontreux hasard, pour elles comme pour moi, ces deux femmes portent le même manteau. La première n’a rien remarqué absorbée qu’elle est par ses pensées, en revanche la seconde se sent agressée par cette comparaison possible. Elle se tient raide, debout, dos tourné à la première, oui, cette première arrivée qui la renvoie à la place de dauphine. Elle semble lutter contre la pression du wagon entier qui a remarqué, amusé, son infortune. Le rouge de son manteau lui monte aux joues et cette couleur qu’elle trouvait si vivante devient celle de la honte. Elle baisse la tête et se concentre sur le sol comme pour se faire oublier alors que la première relève le menton réveillée par les trépidations de la rame. J’ai à peine le temps de la voir rosir que son sosie disparaît sur le quai Saint-Marcel. Elle part s’asseoir dépitée sur un strapontin et ne se relève qu’au changement commun que nous faisons Place d’Italie, moi pour rejoindre Nationale où j’habite, et elle en route pour des aventures que je lui souhaite plus agréables.
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lundi 27 juin 2011

4 - 3 : L'Amour Ordinaire


4 – 3

C’est avec joie que je rentre chez moi les mains vides, pour une fois, j’ai résisté à la tentation de l’acheteur systématique. J’ai beau tout avoir, au point de perdre l’envie, il me faut méthodiquement errer chaque jour à la recherche de ce qui pourrait me manquer, voire ne pas me manquer mais me devenir absolument indispensable. Mes chaussures sont dans l’entrée, l’une contre l’autre, au millimètre près, j’ai l’œil ! J’ai allumé les grands feux dans la salle à manger. Je jette mon courrier sur la table, je décide de l’ignorer. Les factures patienteront jusqu’à demain. Je passe à la cuisine prendre une bière dans le frigo et file m’anéantir devant la télé.
Je vais passer une soirée ordinaire. Je suis quelqu’un d’ordinaire. Dès la naissance je n’étais ni beau ni laid, mi-figue mi-raisin. J’ai très vite compris que je n’appartenais pas à la race des héros. Je n’ai jamais brillé ni par ma présence ni par mon intelligence. Ma jeunesse mystérieuse m’a offert son insouciance et le système m’a guidé hors de moi-même. Mais il est bien un domaine où ce manque d’assurance m’a coûté : l’amour. J’ai toujours été quelconque, pas timide ou effacé mais quelconque. Mes parents m’ont aimé modérément. Je n’ai rien à leur reprocher. Je m’en sors dans ma vie. Je travaille. Je mange. J’ai un endroit où rentrer tous les soirs. J’ai connu des femmes. Aucune n’a réellement tenu à moi. Je suis l’homme des transitions, celui qui vous rassure entre deux grosses ruptures, celui qui écoute ces chagrins qu’il ne provoque jamais. Je ne suis ni l’ami, ni le gros nounours qui les console mais l’anonyme qui peut tout entendre puisqu’il ne fait que passer. Je suis sans saveur. Je ne laisse pas de traces. Se souviennent-elles seulement de m’avoir vaguement croisé ?
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lundi 20 juin 2011

4 - 4 : L'Amour Ordinaire


4 – 4

Trois bières se sont accumulées sur la table basse. J’arrête là…
J’éteins la télé pour allumer l’écran de mon ordinateur.
J’ai du rangement à faire. Autant je néglige quelquefois mes factures, autant il m’est insupportable de laisser régner le chaos informatique dans ma maison. Depuis que je me suis attelé à cet ami virtuel (quoique cela dépende de son bon fonctionnement), je lui confie tout. Je répertorie mes actes, mes pensées, j’y fais mes comptes. Je me refuse Internet, convaincu que Big Brother ne paie pas son loyer chez moi. Adolescent j’ai été pris de passion pour les romans d’anticipation puis la science-fiction m’a fait voyager longtemps mais aujourd’hui elle me fait tout craindre. La Webcam qui se rallume à mon insu et permet à un œil extérieur d’inspecter mon logis, ce n’est pas pour demain ! J’ai des rideaux aux fenêtres, une porte blindée et bien assez du présent pour redouter l’avenir. En fait, je grignote et j’écris. J’écris pour me rendre intéressant aux yeux de ma machine. C’est stupide, je ne fais face qu’à moi-même. Néanmoins cela me donne le courage de faire quelque chose de personnel. Je me soulage en me déballant. Quand je referme l’ordinateur ma tête vide est pourtant lourde.


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lundi 13 juin 2011

4 - 5 : L'Amour Ordinaire



4 – 5

Je me couche assez tard par habitude…

Au réveil, le lendemain matin, j’ai les sensations étranges d’un rêve persistant. Je vais immédiatement prendre ma douche. Je n’ai pas le temps de petit-déjeuner, je prendrai un café en arrivant au bureau. Dehors il fait un froid de canard, les gens fument en ouvrant le bec. La vapeur m’avale à l’entrée du métro. J’attends en me frottant les mains pour les réchauffer et surprise ! Je reconnais la dauphine d’hier sur le quai d’en face. Elle a troqué son manteau rouge contre une doudoune sombre. Elle me dévisage avec animosité aussi je me décide à lui sourire. Elle prend un air décontenancé et me renvoie finalement un rictus. Le métro jaillit du tunnel dans un fracas et la ruée vers les portes m’entraîne dans son mouvement. La fille reste sur son quai et continue à me suivre du regard tandis que le signal de fermeture automatique des portes se fait entendre.

J’arrive tous les matins comme un surfeur sur l’aiguille de l’extrême limite : à l’heure. Je longe le couloir. Je salue la secrétaire. Elle porte un pull rouge qui m’assène un coup fatal.

Mon rêve me revient enfin : je passe au volant de ma voiture (je rêve) près d’une école maternelle où des parents se languissent de leurs charmants bambins. Et là, stupéfaction ! Les deux femmes aux manteaux de laine rouge sont côte à côte sans même se remarquer.
Dès la sortie des classes, deux garçonnets se précipitent gaiement vers leurs mères qui rajustent simultanément leurs bonnets en les embrassant. Je constate effaré que les petits garçons se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Je me demande si je songe en rêvant, si je dors en marchant, si je suis dehors, ou encore, si je suis en direct depuis la télévision de ma tête ? Je doute, quand subitement, un ballon vient heurter ma portière… Tout paraît si réel ! Les mamans s’éloignent avec leur fils, l’une derrière l’autre sur le trottoir. Je décide de les suivre et entreprends une filature digne des séries que diffusent les chaînes publiques…

- « Tu dors ou quoi ? Tu m’as l’air tout pâlot ce matin mon cher Max ! »
- « Ah ! C’est toi Michel ? »
- « Qui veux-tu que ce soit ? Tu te rappelles qu’on déjeune ensemble tout à l’heure ? »
- « Tu fais bien de me rafraîchir la mémoire… »
- « Eh bien, tu n’as pas l’air dans ton assiette ! Qu’est-ce qui t’arrive ? »
- « On voit ça vers midi chez Marcel, si ça ne te dérange pas ? »
- « OK mon bichon ! »
Et il me met une tapette sur la joue, amicale certes, mais qui sur l’instant m’irrite passablement.
Je replonge dans mon dossier et ma nuit ressurgit d’entre les lignes. Ces images m’obsèdent. Je roule lentement et je reconnais d’un coup le passage AA/12. L’immeuble d’hier, les chambres d’enfants, les nounours contre les baies vitrées. Je stoppe mon véhicule et regarde bouche bée les deux femmes se tenir la porte et discuter de leur progéniture en disparaissant dans le hall d’entrée.


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lundi 6 juin 2011

4 - 6 : L'Amour Ordinaire


4 – 6

Mon café a refroidi dans son gobelet. Je referme mon dossier, me frotte le visage, les yeux, pousse un énorme soupir et m’étire de tout mon long. Les heures ont passé vite. Michel débarque dans mon bureau en grand échalas qu’il est. Nous passons devant la secrétaire en souriant et nous retrouvons au bout du couloir dans un des ascenseurs.
- « Il faut reconnaître qu’il ne fait pas chaud… »
- « Le vent me taille les oreilles en pointes. »
- « Allez-y, Mr Spoke ! »
J’ai toujours adoré cette brasserie. Nous y avons, tous les midis, nos habitudes que rien ne saurait déroger, nos places attitrées et le plat du jour en perpétuel menu.
- « Alors, raconte à ton pote ce qui te donne une mine pareille ! Crois-moi, je peux tout entendre puisque j’ai tout connu ! »
- « Arrête de me charrier comme ça… »
Et je lui raconte non pas mon rêve mais l’aventure d’hier.
- « C’est dingue ce que les femmes peuvent être chipies entre elles ! En tout cas mon gars, ce qui est sûr, c’est que pour une fois, espèce de tombeur, l’une d’entre ces demoiselles t’a bel et bien remarqué. Tu n’étais pas avec moi, c’est pour ça ! »
Mon tartare n’a pas fait de plis. Je me rince la gorge avec mon verre de Morgon, et repousse machinalement les miettes de pain vers le centre de la table.
- « Des cafés Messieurs ? »
- « Oui. Merci Marcel. »
Michel lui fait signe de nous apporter la note, ce qu’il fait.
Nous sortons affronter le frimas et fonçons sans nous adresser la parole. Ce n’est qu’une fois dans l’ascenseur que nous parvenons à décrisper les lèvres :
- « Que ferais-tu si tu croisais à nouveau ta dauphine ? »
Je réponds par une sorte de râle blasé et reprends le chemin du bureau en passant par les toilettes. Seul, face à la glace sous la lumière blafarde du néon, je me questionne. Je me lave les mains. Je les renifle après les avoir essuyées. J’ai toujours fait ça. Mon café froid m’attend avec mes dossiers. Sur toutes les pages ces mots semblent s’inscrire en lettres capitales :
« QUE FERAIS-TU SI TU LA CROISAIS À NOUVEAU ? »
Le célibataire endurci panique tandis que l’adolescent exalté refait surface. Tout serait possible… Mon cœur bat plus fort dans ma poitrine. Je ne suis pas à ce que je fais. Il règne une atmosphère singulière dans mon corps. Je la laisserais venir me parler. J’écouterais et je l’embrasserais… Non… J’en suis incapable !… Je l’ignore faussement… Elle me rattrape… Et je la prends dans mes bras… Non… C’est trop.
Je vais vers elle, mais elle commence à rire et ce rire m’agresse… M’oppresse… Me stresse… Me laisse…
Le téléphone sonne. Je réagis mollement. Je ne décroche pas. Je ne peux pas. Nous nous rapprochons au point que nos mains se frôlent, se caressent et finissent par se saisir. L’amour débute par de la chaleur. Elle rougit dans son manteau cramoisi. Je suis moi-même extrêmement troublé. Le monde ralentit sa course, nous descendons en marche pour inventer demain…
J’ai les yeux vitreux tant je suis ailleurs. Voici que je le réalise, aussi, je toussote bêtement pour me donner une contenance. Les heures ont progressé sans que j’aie avancé mon ouvrage. Je me concentre sur le peu qu’il m’est permis de mener à bien.


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lundi 30 mai 2011

4 - 7 : L'Amour Ordinaire





4 - 7

De retour, ma journée me paraît s’être déroulée de manière irréelle. Je me laisse guider par un banc d’hommes pressés qui me mènent jusque sur le quai du métro. Je monte dans le wagon qui se présente devant moi et m’entasse avec les autres. J’ai un pincement au cœur juste avant l’arrivée à Place d’Italie. Je me précise intérieurement que c’est bêta, mais le pincement s’affirme à mesure que le tunnel débouche sur la lumière. Les portes s’ouvrent. On me pousse sans que j’aie le temps de manifester. Je me retrouve sous un panneau publicitaire à laisser se déverser le flot humain des bouches béantes des voitures. La sirène retentit. Le métro redémarre. Je reste seul sous ma pub de cocotiers sur fond de mer turquoise et ma respiration cesse. Elle est là, assise de l’autre côté. Elle me scrute. J’hésite. Je me dirige calmement vers la sortie, ce qui me laisse le temps de réfléchir, une fois devant, je me dis que c’est trop bête et je rebrousse chemin. Je vais m’asseoir timidement à côté d’elle.

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lundi 23 mai 2011

4 - 8 : L'Amour Ordinaire


4 – 8


- « Je vous attendais. »
- « Êtes-vous sérieuse ? »
- « Absolument. Je m’appelle Karine. »
- « Max. Enchanté. »
- « Hier, je me suis dit qu’il fallait que je vous parle… »
- « Et de quoi ? »
- « Du fait que vous devriez être heureux. »
- « Vous appartenez à une secte, c’est cela ? »
- « Non. Rassurez-vous. Disons simplement qu’aujourd’hui je donne davantage de crédit à la vie. »
- « Vous avez mûri. »
- « J’ai souffert. »
- « Vous venez de vous séparer, n’est-ce pas ? »
- « En effet. »
- « C’est un sujet que je connais bien. »
- « Êtes-vous vous-même divorcé ? Je vous trouve maussade à voir comme ça. Vous avez l’air d’avoir tout accepté, de vivre par coutume plus que par satisfaction. Vous semblez avoir perdu le goût. Mais peut-être allez-vous me répondre que je fais fausse route ? »
- « Non. Vous avez raison. Il fait froid, nous sommes en plein courant d’air. Puis-je vous inviter à dîner ? »
- « Avec joie ! »

Je suis étonné et grisé par cette situation un peu absurde. Je tends le bras à la demoiselle qui le saisit et je l’entraîne dans un restaurant thaïlandais situé près de chez moi.

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lundi 16 mai 2011

4 - 9 : L'Amour Ordinaire




4 – 9

- « Je viens ici depuis l’ouverture il y a quelques années, vous allez goûter, c’est très bon. »
Pan, la patronne, une petite femme ronde et dynamique se précipite pour nous saluer. Elle me transmet, discrètement, par une gentille grimace, son étonnement de me voir accompagné et nous guide vers une table intimiste près de la cuisine. Je frôle ma place habituelle de solitaire en brisant le poids de ma routine. J’ai un calot de verre dans la gorge, une angoisse de ne pas bien faire. Mon cœur bat la chamade. J’installe mon invitée et me retrouve devant comme un enfant timide qui préfère jouer avec la bougie plutôt que d’affronter son maître.
- « Il y a quelque chose d’imperceptible sous votre armure d’homme gris qui me pousse à venir vous parler. Cette faille. Cette peine injustifiée. »
- « Je ne comprends pas. Tout va bien, je vous assure. »
- « Quel âge avez-vous ? »
- « Trente-huit ans, pourquoi ? »
- « Vous êtes jeune. Pourquoi ne pas vous tenir droit ? Vous avez les épaules rentrées. Vous paraissez vivre dans l’abnégation. Il me suffit de suivre les expressions qui animent votre visage pour constater que vous êtes plutôt du genre lèvres pincées. Et cette ride des soucis si marquée qu’elle vous remonte sur le front. Avez-vous des problèmes ? »
- « Non. Enfin, comme tout le monde. »
- « Pensez-vous que tout le monde a votre chance ? »
Elle me fixe inflexible. Je me gratte le nez.
- « Non. »
Son regard m’hypnotise et me gêne. Je profite de passer la commande pour me raccrocher au concret, mais rapidement, elle m’absorbe à nouveau.
- « Vous ne vous attendiez pas à cela, n’est-ce pas ? »
- « Je ne pensais pas que nous parlerions autant de moi ! »
- « Cela vous dérange-t-il ? »
- « C’est surtout que je ne suis pas un sujet très intéressant. »
- « Est-ce vraiment ce que vous pensez de vous-même ? »
- « Je ne sais pas. Il m’est difficile d’être objectif, mais je n’ai rien vécu d’extraordinaire. »
- « D’extraordinaire ? Pourquoi voudriez-vous vivre des choses extraordinaires ? Il y a là-dedans un soupçon d’extrémisme, ne le ressentez-vous pas ? Et puis le passionnel prend ses origines dans la souffrance, vous le savez. Qui aurait-il de vain dans l’ordinaire ? Ne sommes-nous pas des gens ordinaires ? Pourtant au cours de nos existences nous faisons tous de grandes choses. Regardez, moi, par exemple, un matin de ma huitième année, je me suis réveillée convaincue que je devais accompagner mon arrière-grand-père au marché. Le vieil homme y allait à l’aube, si tôt qu’on me conseilla ce jour-là de rester au chaud. Mais mon sentiment était trop fort. Je devais y aller avec lui. Rien n’a pu me convaincre de rester. Le hasard a voulu que ce jour précis, le grand-père se soit effondré et que sans mon intervention, il serait mort. On lui a posé une pile dans le cœur et il a vécu quinze ans de plus entouré des siens. Je n’ai fait que courir ce jour-là, cependant, ces quelques minutes de course ont permis des années de bonheur derrière. »


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lundi 9 mai 2011

4 - 10 : L'Amour Ordinaire



4 – 10

Je suis imprégné de sa voix. Je lui trouve beaucoup de charme. De temps à autre, elle triture ses cheveux courts. Elle prend le temps d’apprécier son riz sauté et n’en reprend qu’après avoir fini son assiette.
- « Triez-vous vos ordures ? »
- « Oui. Pourquoi ? »
- « Eh bien, vous êtes quelqu’un de responsable. Chaque jour, vous faites quelque chose de positif pour vous, pour les autres et pour l’avenir. La plupart des gens ne le font pas. Vous voyez que vous n’êtes pas si ordinaire. Il vous serait aisé de faire comme tous les autres, ceux qui passent après vous et mettent l’anarchie dans les poubelles communes. Pourtant, vous continuez à le faire par considération pour vos convictions. Je trouve que vous êtes admirable sur ce point. Moi-même, je n’ai pas eu le courage de maintenir mes efforts lorsque j’ai compris qu’ils étaient réduits à néant par une minorité. »
Les arbouses de Madame sont avancées. Je vais prendre un café.
- « Vous ne fumez pas ? »
- « Je n’ai jamais commencé. »
- « Encore une preuve de discernement. Vous n’avez guère de raisons de vivre votre vie comme une saison insipide. »
- « Il me manquait sans doute quelqu’un comme vous pour m’en apercevoir ! »
Je ne peux réfréner une expression cruellement romantique. Ma main serpente sur la nappe avec l’espoir de la toucher, mais alors que je l’atteins presque, elle retire vivement la sienne.
- « Ne vous méprenez pas. Je n’ai pas accepté votre invitation pour entreprendre une relation sentimentale. Je suis venue vous offrir un regard différent sur votre vie. Vous comprenez ? »
- « Pas très bien… »
- « Vous êtes une personne formidable, mais vous ne vous en rendez pas compte. Vous trimbalez le quotidien comme un boulet. Vous imaginez être sans valeur, vos mots n’ont aucun poids. Toutefois, sachez que sans vous, ce monde ne tournerait pas ! On a réussi à vous faire croire qu’un homme, un vrai, est surpuissant comme un cobaye en maillot jaune sur le tour de France, que l’héroïsme se nourrit de la violence, que l’espoir est une donne inaccessible. Je suis convaincue que tout ceci n’a pas de sens ! C’est l’amour ordinaire qui donne naissance à la magie de la vie. Une rencontre, une date, un échange - ces connections de cellules entre elles qui nous poussent à ouvrir les paupières malgré l’intensité de la lumière. Voilà pourquoi nous sommes là. Pourquoi nos existences en valent la peine. Vous devriez avoir confiance en ce cadeau qui vous a été offert. La vie n’est pas une traîtresse, il n’y a que vous pour vous faire faux bond. On dirait que le bonheur vous échappe un peu par paresse. Il faut prendre sur soi pour mettre la beauté dans ce qui nous entoure. Il faut être fort pour ne pas baisser les bras devant la démobilisation générale ! Il faut avoir la foi en ce qu’on est pour célébrer son destin. »


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lundi 2 mai 2011

4 - 11 : L'Amour Ordinaire


4 – 11

Elle baisse les yeux pour la première fois.
- « Vous communiquez une telle passion que je sais pas quoi dire… »
- « J’en arrive à la conclusion que l’accomplissement ne naît que de la sérénité. Tandis que la passion ouvre les blessures, la quiétude les panse. Les sentiments vrais sont ceux des gens ordinaires parce qu’ils assument le présent plus qu’ils ne présagent l’avenir. »
La bougie s’est éteinte.
Pan vient nous débarrasser.
- « Vous avez terminé ? »
Je ne réponds pas.
- « En effet. »
Karine se lève de sa chaise. Je passe auprès d’elle pour l’aider à s’habiller. Sa peau sent la mandarine. Elle sort. Je la suis. La nuit nous a rejoints. Les arbres nus se découpent dans la lumière des réverbères. Je la discerne en contre-jour.
- « Pouvons-nous nous revoir ? Discuter encore en passant un agréable moment ? »
- « Ce n’est pas possible… »
- « Et pourquoi donc ? »
- « Parce que j’ai le cancer. Une tumeur évolutive au cerveau. »
Elle m’observe. Je suis confus, je bafouille :
- « Et alors ? »
- « Je n’avais pas beaucoup de temps à vous consacrer. J’ai tellement de choses à faire, de personnes à voir. Profitez au mieux de cette vie qui va bientôt me manquer, voilà ce que vous pouvez faire pour moi. Je ne suis pas là à me morfondre, pourtant j’aurais des raisons. Je me sens comme investie d’une mission : apporter une réponse simple à des esprits complexes. Reprenez le chemin des plaisirs simples. Ravivez votre petit feu journalier. Soyez plus tolérant avec vous-même et plus juste avec les autres, car l’humanité est à votre portée.

Elle ne m’a pas laissé la raccompagner ;
Je rentre à pied. C’est l’hiver or j’ai chaud. Mes mains sont moites au fond de mes poches. J’entends battre mon cœur.
Une fois à l’intérieur, débarrassé, mes chaussures rangées l’une contre l’autre, je vais m’asseoir sur le canapé en soufflant. J’ai l’extrémité des doigts qui papillonne, force est de constater que la vie grouille en moi.

lundi 25 avril 2011

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Des Quatre Saisons.

Vous allez découvrir
La Cinquième Saison



Seconde Partie :

Celle-ci se décline en 9 étapes
A vous d’ouvrir la Porte :







lundi 18 avril 2011

5 - 1 : Devenir



DEVENIR


5 - 1

Je ne me suis jamais senti à ce point orphelin qu’aujourd’hui. Pourtant je suis né sous X. On m’a arraché une partie de moi-même à la naissance et l’on m’a condamné à une errance de déraciné. J’ai traversé des familles inconnues comme on passe de ville en ville, d’angoisse en angoisse. Le mot d’ordre était la distance. On m’interdisait de m’émouvoir au risque de me faire passer à côté de l’humanité. Comme beaucoup j’ai eu l’occasion de constater la cruauté de notre monde. Comme la plupart j’ai tenté de fuir cette triste réalité.

Je suis assis sur la chaise dans ce studio désert, un matin blanc et brumeux entre par la fenêtre. Le quartier est plus calme que d’ordinaire, les bruits sont rares et lointains. Les gens dorment tels des zombis. Demain je serai parti. Demain sera un autre jour, un commencement.
Mais avant j’irai rendre visite à Sylvaine, la seule personne qui m’ait aimé au point de m’attacher à cette vie injuste. Cette femme qui a su me comprendre et me parler, aussi placer son coeur au-dessus des lois. Elle m’a considéré en humain avec mes doutes et mes faiblesses, puis elle m’a porté au-delà de mes complexes.


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lundi 11 avril 2011

5 - 2 : Devenir


5 – 2

Au début et à mes propres yeux, j’étais le premier, on me considérait déjà en être singulier. La nature a contribué à marquer ma différence en me créant roux. Le cuivré de mes cheveux contre ma peau laiteuse me donnait une apparence fragile tandis qu’en mon corps fourmillait avec ardeur le mystère de la vie. Mes congénères m’ont fait souffrir de ma dissemblance jusqu’à ce que je m’en veuille d’être ce que j’étais. Mon esprit s’était recroquevillé en son for intérieur, malgré cela, on ne voyait physiquement que moi. J’avais beau regarder mes pieds timidement, on raillait :
- « C’est l’enfant du malin. L’enfer est sur sa tête ! »
Alors, lentement, je suis devenu le feu. La passion de la marginalité attisait mes braises intimes.
- « Comment va le rouquin ? »
Rejeté, j’étais ma seule référence jusqu’au jour où Sylvaine est entrée dans ma jeune existence. Elle m’a nourri de sa présence. Elle m’a permis de m’exprimer car à ses yeux j’étais important.
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lundi 4 avril 2011

5 - 3 : Devenir



5 – 3

Je médite dans la pièce vide que le déménagement a rendu plus lumineuse qu’auparavant.
Enfant cette question m’obsédait :
- « Pourquoi n’ai-je pas le droit à l’amour ? »
Maintenant une question différente me hante :
« Pourquoi fallait-il qu’elle meure ? »
Sylvaine se repose, la tête enfoncée dans son oreiller de satin rose. Je suis seul avec elle. Dehors le lierre masque la façade, l’air est doux, la pelouse fraîchement tondue.
Je me sens nu devant la dépouille de ma marraine. Je sors de la réflexion concrète. J’oublie la pesante appréhension du corps et je me penche pour embrasser ce front désormais insouciant.
Je lui murmure : « merci ».
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lundi 28 mars 2011

5 - 4 : Devenir


5 – 4

Là, je suis ce personnage figuratif qui avance dans l’abstrait. Je suis cet être craintif face à l’inconnu. Je me reconnais dans ce que j’ai fait de meilleur comme dans l’indicible. Je ressens à quel point je suis l’affirmation sensible de ce qui est. Je me sens fort de ce constat.
Je renifle la fraîcheur verte de l’air. Je sens forcir ma conviction de ne plus mépriser le temps. Le primordial m’apparaît. Cette morte me fait naître à l’idée que le commencement et la fin sont intimement liés.
Sylvaine semble sourire. Elle me laisse partir étrangement désinvolte. Je la libère. Dans l’allée, j’ouvre une voie inédite vers un espoir, un avenir. J’offre mon regard aux vols des oiseaux. Je me dis qu’en mémoire de ceux qui ont eu connaissance de la vie et qui m’ont enseigné, je me dispose à servir le renouveau. J’avance, non plus prisonnier, mais dévoué à la dynamique de l’Univers.

lundi 21 mars 2011

6 - 1 : Le jeu du miroir







6 – 1


LE JEU DU MIROIR

Segunda regarde dehors la rangée de culs rouges des automobilistes du samedi soir. Elle attend son carpaccio de bœuf avec impatience elle qui n’a pas d’appétit. Elle apprécie ce petit restaurant parisien pour son décor rétro et sa vitrine offerte sur le Génie de la Bastille qui toise l’Opéra depuis les airs comme une flamme d’or. Le garçon qui la sert est nouveau dans l’établissement. Il lui porte très clairement attention, ce qui ne manque pas d’épicer le dîner. Il semble traîner au moment d’apporter le café et finit pas surgir derrière elle, le regard malicieux. Elle réalise pourquoi en découvrant un papier glissé avec un carré de chocolat amer. Elle le déplie : « DAMIEN - 06 00 22 12... ». Manque de chance, il s’agit d’un mauvais prénom et cette belle journée se transforme en mauvais jour. C’est comme si on avait baissé un store métallique devant sa vue broyant la perspective de la place précieusement éclairée. Segunda ne fait plus face qu’à son reflet dont les yeux angoissés la supplient de partir. Muette, elle paie et déguerpit sans plus un égard pour le pauvre garçon interloqué tout de même.


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lundi 14 mars 2011

6 - 2 : Le jeu du miroir


6 – 2

Un petit appartement confortable dans un immeuble en pierre de taille de la rue Amelot (cinquième sans ascenseur).

Segunda rumine, le ventre noué, noyée au milieu de ses coussins ethniques. Elle écoute la musique la plus en symbiose avec son émotion. Les réminiscences confuses du commencement de son existence remontent vers la surface…

Elle se souvient avoir tout de suite réalisé l’autre en elle. Elle est entrée dans le monde binaire en apprenant à marcher. Enfant, devant le miroir, elle comparait ses membres : deux bras, deux mains, deux jambes, deux pieds, mais aussi les deux yeux, deux oreilles, deux narines, deux épaules… Or, elle n’avait pas encore étudié l’anatomie. Elle comptait sur ses poumons neufs et ignorait la complexité de ses deux hémisphères.

Un bouquet de néons étoffe la nuit omniprésente dans la pièce. Les plantes vertes projettent leurs silhouettes étranges sur les murs. Segunda s’effraie de son ombre dans cette atmosphère pourtant sécurisante et intime. Elle a la conviction que rien ne nous appartient vraiment, tout évolue au-delà de nos petites influences. Elle prend un crayon à papier sur la table basse et d’un geste insouciant elle esquisse sa pensée encore abstraite sur le papier. L’odeur du bois. Du givre sur les carreaux d’immenses fenêtres. Un préau rempli de cris d’enfants. Son regard se perd…
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lundi 7 mars 2011

6 - 3 : Le jeu du miroir


6 – 3

Nadia était apparue comme une folle, elle trépignait et bafouillait tout à la fois. Sa tête, plus ébouriffée que jamais, tournait en permanence. Segunda l’interrogea impatiente d’apprendre la nouvelle :
- « Mais que t’arrive-t-il donc ? »
- « En passant dans la cour, je t’ai aperçue, alors je me suis mise à courir et je t’ai sautée dessus. »
- « Tu racontes n’importe quoi puisque je ne te vois qu’à l’instant ! »
- « Là justement est le problème. Ce n’était pas toi, d’ailleurs j’aurais dû m’en rendre compte au manteau, enfin, cette petite fille te ressemble terriblement. »
- « Quelle petite fille ? »
- « La nouvelle. Viens, je vais te la présenter… »

Très tôt Segunda a ressenti la dualité inhérente à sa nature, ce n’est qu’ensuite qu’elle a vécu la différence, ce fameux jour où elle a rencontré l’Autre.

- «Je te présente Louison ! Louison, je te présente Segunda ! »

Les deux enfants se font désormais face. Un incroyable jeu de miroir se met en place, si perturbateur que l’animation de la cour de récréation semble se ralentir dans un souffle général de stupéfaction. Bien qu’ayant été avisée, Segunda est électrocutée par un violent frisson de surprise. Elle tend presque involontairement la main vers son parfait reflet dont le visage trahit le même effarement. Cependant ce double ne semble pas vouloir réagir selon sa volonté et voici qu’il recule tandis que Segunda s’avance d’un pas.

- « Je crois que vous venez de rencontrer votre sosie ! »
Nadia tente de briser la glace alors qu’une rumeur s’élève derrière elle :
- « Les clones ! Les clones ! Les clones ! »
Il est vrai qu’elles auraient pu être jumelles tant leurs physiques étaient similaires. Même les adultes s’étaient déplacés pour constater le phénomène.
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