lundi 25 juillet 2011

3 - 10 : Félicie Gambetta




3 – 10

Félicie semble extrêmement affectée, elle retient ses larmes et ses iris pâlissent dans l’eau de ses émotions. Il n’y a donc que les ombres et les chiens pour rester dévoués aux personnes âgées ? Où sont passés les hommes solidaires ? Ceux qui mêlaient le passé et l’avenir pour vivre le plaisir présent au repas du dimanche. Où sont passés ces hommes qui respectaient le sens des saisons ? Faut-il ne devenir qu’un passant dans sa propre vie ? Accepter de mourir par inutilité ? L’ombre s’est mise à pleurer. Félicie tend le bras vers elle et disparaît étrangement jusqu’au poignet dans la robe obscure. C’est très doux, cela rappelle le songe du paysage idéal qu’elle faisait tout à l’heure, ce même rêve qui l’a conduite au lit, convaincue de pouvoir trouver le repos. Elle ressent que l’ombre lui dit :
- « Si tu le désires, je te laisse aux bras de Morphée et nous nous retrouverons dès l’aube. »
Mais Félicie se met à tendre l’autre bras et pénètre l’ombre comme on entre dans une forêt. Plus elle progresse et plus la lumière se raréfie comme voilée par d’énormes branches.
- « Je crois que c’est à mon tour de t’accompagner. Personne ne m’attend tu le sais bien et puisqu’on m’a laissé penser que je n’ai plus de rôle à jouer dans la société actuelle, je décide de rejoindre ton autre côté, hors du temps je serai plus à ma place. À présent je vais pouvoir rajeunir, redécouvrir, m’enthousiasmer à nouveau pour cet inconnu. Je n’ai pas de regrets quant à mes petites habitudes, d’ailleurs pour une fois je pars en laissant la lumière allumée. Demain, après demain, qu’importe, quelqu’un viendra l’éteindre.

lundi 18 juillet 2011

L'Amour Ordinaire

"L'air glacial m'a figé
Dans l'espoir de la fraîcheur
Qui pourrait me réchauffer"

MAX





lundi 11 juillet 2011

4 - 1 : L'Amour Ordinaire


4 – 1

L’AMOUR ORDINAIRE


Je suis venu me perdre près de la rue de Charenton afin de débusquer le matériel informatique qui rendra plus complexe ma perception de ce monde soi-disant simplifié. Il fait froid. J’évolue dans la grisaille ambiante des regards baissés. Songeant aux vastes horizons dont nous sommes privés. Un ciel sans couleur semble posé sur les toits des immeubles. Pourquoi regarde-t-on le trottoir défiler sous nos pieds ? Je m’arrête. Je prends une grande inspiration. C’est l’hiver. Je suis dans un passage entre la rue de Charenton et l’avenue Daumesnil et je remarque la façade d’un nouvel immeuble dont les volets coulissants en bois clair sont du meilleur effet près de belles baies vitrées. Je constate avec amusement qu’au second et troisième étages, ces baies vitrées protègent des chambres d’enfants. Un petit lit au second, le même petit lit au troisième placé au même endroit. Une commode au troisième où trône un nounours adossé à la paroi de verre et, incroyable ! Au second, la même commode avec un nounours, qui, lui aussi, tourne le dos à la rue. Mes yeux font le va-et-vient entre les deux étages. Les deux pièces semblent avoir été reproduites à l’identique. La pensée me traverse que ces gens se ressemblent sans doute, que leurs enfants doivent avoir bien des choses en commun… Et puis, finalement, cela me paraît idiot et je pars.
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lundi 4 juillet 2011

4 - 2 : L'Amour Ordinaire


4 – 2

Je n’ai pas trouvé ce que je cherchais, tant pis. Je décide de rentrer en prenant le métro Bastille. Un air glacé me saisit tandis que je longe les ateliers aux façades arrondies qui me renvoient mon image ainsi que les reflets mouvementés du Viaduc des Arts. La nuit amorce sa descente imperceptible sur Paris qui allume ses réverbères. J’arrive près de l’Opéra et m’engouffre au chaud pour aller vite choper ma rame, ligne 5 : direction Place d’Italie. Je reste debout pour mieux observer les occupants du wagon. Depuis toujours, j’assume très bien mon côté voyeur dans les transports en commun. Je cherche la place la plus appropriée pour ne pas subir d’angle mort et je fais baisser quelques regards à force d’insistance, ce qui me fait jouir secrètement. Dès que l’obscurité s’abat sur la capitale, je préfère les lignes aériennes collées aux immeubles. Je colle le bout de mon nez sur la vitre et pénètre l’intimité des ménagères entre deux portes, des jeux d’enfants sur les tapis, des cuisiniers en herbe, mais à l’esprit j’ai l’espoir de visualiser quelques scènes érotiques, un cadeau flash entre deux stations, un événement dans mon quotidien de solitaire. Quai de la Rapée : arrivée d’une très jolie brune. Elle ne quitte pas ses pieds des yeux comme si elle attendait leur signal pour s’enfuir à la prochaine correspondance. Je trouve que son manteau de laine rouge la met particulièrement à son avantage. Sa tête part légèrement en avant tandis que le train décélère, elle vérifie d’un œil la station et repart dans la contemplation des ses chaussures. Elle, n’a pas remarqué sa parfaite rivale montée lors de l’arrêt à la gare d’Austerlitz. Cette autre femme qui me fixe juste parce qu’il en faut un dans la masse qui puisse occuper son regard. Cette autre qui enrage de devoir encore faire face au reflet de la femme au manteau rouge (qui lui retire un peu de ce qu’elle est en cet instant précis) alors qu’elle lui a volontairement tourné le dos. Fait d’un malencontreux hasard, pour elles comme pour moi, ces deux femmes portent le même manteau. La première n’a rien remarqué absorbée qu’elle est par ses pensées, en revanche la seconde se sent agressée par cette comparaison possible. Elle se tient raide, debout, dos tourné à la première, oui, cette première arrivée qui la renvoie à la place de dauphine. Elle semble lutter contre la pression du wagon entier qui a remarqué, amusé, son infortune. Le rouge de son manteau lui monte aux joues et cette couleur qu’elle trouvait si vivante devient celle de la honte. Elle baisse la tête et se concentre sur le sol comme pour se faire oublier alors que la première relève le menton réveillée par les trépidations de la rame. J’ai à peine le temps de la voir rosir que son sosie disparaît sur le quai Saint-Marcel. Elle part s’asseoir dépitée sur un strapontin et ne se relève qu’au changement commun que nous faisons Place d’Italie, moi pour rejoindre Nationale où j’habite, et elle en route pour des aventures que je lui souhaite plus agréables.
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