vendredi 20 avril 2012

La Cinquième Saison


Oserez-vous entrebâiller la porte de La Cinquième Saison ?

Que se cache-t-il derrière ?

Sans doute que chacun d’entre nous s’y accommode d’un paysage différent…



13 témoignages vous attendent si vous passez le pas…


Êtes-vous prêts ?

En êtes-vous bien sûrs ?

Réfrénez votre impatience…

La Cinquième Saison n’arrive qu’au terme de quatre autres saisons auxquelles vous n’échapperez pas !!!




jeudi 19 avril 2012

mercredi 18 avril 2012

Le Printemps


"Il faut aimer sa nature
Pour l'embellir journellement
Et ne plus craindre le mature."


EMMA

mardi 17 avril 2012

Les clefs : 1 - 1


LES CLEFS


1 - 1


La porte vient de se refermer furieusement. Emma tremble de tous ses membres dans la chambre aux rideaux tirés. Seul un rai de soleil lui barre les chevilles. Elle ferme les paupières de toutes ses forces tandis que le claquement de la porte résonne encore à l’intérieur de son crâne telle une gifle. Elle ne respire qu’à peine, le moindre bruit pourrait tout faire s’écrouler. La tension lui donne le vertige, elle rouvre les yeux. Un courant d’air s’engouffre dans les rideaux, ils bougent, leur mouvement la terrifie. L’intrusion du vent dans la pièce, la porte qui claque lui font serrer les poings jusqu’à ce que ses ongles vernis lui entament les paumes. Le tic tac du réveil trotte indifférent. L’appartement semble vide. Un soleil froid entre par la fenêtre de la pièce d’à côté. Un chat miaule dans la cour. Elle se redresse enfin. Le couteau est planté, là, à quelques centimètres de sa tête, dans l’oreiller. Elle frissonne et se précipite dans le salon où elle jette des regards affolés dans tous les sens. Quoi prendre ? Que faire ? Où se réfugier ? Elle saisit promptement un sac en plastique semé dans la cuisine, retourne dans la chambre, attrape quelques sous-vêtements, un, deux hauts et file à la salle de bain, le dentifrice, la brosse à dent, le fard à joue… Le parquet a craqué… Emma se contracte. Elle perce son sac plastique. Elle écoute avec une telle attention que celui-ci lui échappe des mains. Elle se met à courir d’un coup comme si le diable était à ses trousses. Elle chope son manteau au passage et quitte l’appartement sans discernement. Dans l’escalier, elle se reprend une seconde, se retourne, jette un œil perdu vers le palier puis elle pousse un soupir et quitte l’immeuble sans plus attendre. Dehors, le jour trop cru lui dévore les pupilles. Elle finit d’enfiler son manteau et disparaît au coin de la rue, le col remonté. Elle plonge les mains dans ses poches, son portefeuille y est, un coup de chance, elle a ses papiers, un peu de liquide et sa carte bleue. Elle remonte le boulevard Voltaire vers le métro. Il va revenir. C’est certain.
Emma ne doit pas perdre son temps.
Elle prend une direction au hasard, la rame arrive, elle va s’asseoir sur un strapontin derrière un grand homme amarré à la barre métallique. Elle s’éloigne. Les stations défilent jusqu’au terminus, la sirène retentit, elle finit par descendre. Elle reste plantée là, regarde d’un côté, de l’autre et opte instinctivement pour l’une des sorties.
(.../...)

lundi 16 avril 2012

Les clefs : 1 - 2



1 – 2

Le vent est encore frais mais le soleil a des vertus apaisantes et grisantes. De gros bourgeons dodus font pendre les branches trop frêles. La chlorophylle défie le bitume, une nuée d’étourneaux part assombrir le ciel. Emma trouve un banc au soleil, elle s’installe sur une extrémité, si près du bord qu’elle semble pouvoir tomber sous l’assaut d’un vent soudain. Elle pousse à nouveau une profonde plainte et son ventre se remplit presque douloureusement d’air. Il y a donc si longtemps qu’elle ne respirait plus !
Mais comment les choses ont-elles pu en arriver là ?

Au commencement tout est inévitablement merveilleux. C’est un printemps de chaque instant, de l’insouciance, des sourires. Sa rencontre est programmée au détour de la vie comme un enchantement. Un coup de foudre. Une remise en question spontanée. Il est là. Il est.
Au début, les questions n’ont pas d’importance, seules les caresses en ont. C’était un amour trop précipité, trop grand, trop voyant. Personne ne pouvait l’ignorer, mais personne n’osait s’en soucier. Il est passé et, au passage, Il est devenu tout. Tout ce qui compte, tout ce qui occupe le temps et l’espace, la nourriture, la chaleur, le songe. Le monde se créait autour de lui. Il était maître de son royaume. Le doute n’existait pas.

Les pigeons se rapprochent du banc et Emma sursaute à l’appel d’un klaxon. Elle décide de rejoindre un café. Elle s’engouffre au fond de la salle, sur une banquette. Elle commande un thé au lait et une part de tarte au citron meringuée. La blonde et la rousse de la table voisine l’enfument, Emma se fait un éventail avec le menu. La tarte arrive enfin ! Emma ne peut s’empêcher de pointer le doigt dans le sucre glace. Comment peut-elle être à ce point immature ? D’un coup, une silhouette, une ombre dans la rue et son sang bloque dans ses veines. Elle va s’enfermer, par réflexe, dans les toilettes. Le miroir ne saisit d’elle qu’un regard hagard. La lumière s’allume alors qu’elle s’enferme, malgré cela elle tient la poignée, elle transpire, de l’autre main elle déchire du papier toilette et s’éponge le front. Dire qu’elle ne pouvait pas vivre sans lui, qu’une heure d’abandon virait au supplice…
Elle lui a pourtant tout cédé, ce qui était juste, même ce qui ne l’était pas. Il en voulait toujours plus. Il a une âme insatiable.


(.../...)

lundi 9 avril 2012

Les clefs : 1 - 3


1 – 3

Comme il ne supportait pas son entourage, Emma avait fini par ne plus voir personne. Ses parents, dépassés, ne comprenaient rien. Ses camarades trop impliqués avaient fini par se fâcher. Ses amis avaient cédé la place au mâle dominant. Il était un désert avant d’être son oasis. Il n’a pas de frontières, ce qui fait de lui le citoyen d’un monde idéalisé. Il n’a pas de limites, ce qui fait de lui un affranchi dangereux.

Quelqu’un vient de cogner à la porte :
-«Sortez ! Je ne compte pas passer mon après-midi à attendre !»
Emma se recoiffe mécaniquement et sort de sa cachette.
- « Eh bien ce n’est pas trop tôt ! »
La petite femme très maquillée la pousse et disparaît à sa suite.
Emma décide de changer d’endroit. Elle paie et quitte la brasserie tête baissée. Elle longe les vitrines en évitant les reflets. Elle le savait pourtant que c’était une mauvaise idée. Jamais elle n’aurait dû se laisser entraîner dans une affaire pareille. Trois ans gâchés en une nuit. Non, il est vrai que quelque chose de mauvais sévissait depuis un certain temps, comme de la jalousie morbide, de la possessivité à outrance. Le moindre regard, le moindre frémissement lui paraissait être une entorse à la vie. Il suspectait n’importe quoi. Le vide qu’Il avait créé autour d’elle ne le contentait plus. Dans la rue, les inconnus devenaient victimes de sa violence quotidienne. Les paroles se matérialisaient en poings et Il faisait baisser les yeux aux aveugles.
Emma avance, un pas, un autre, encore un, un suivant, un pas de plus et un pas de mieux. Elle y va. Où ? Elle ne sait pas mais elle y va. Le ciel est bleu, il ressemble à une bénédiction. Le vent essaime sa fraîche haleine entre les arbres des boulevards. Elle croise une figure avenante mais ne parvient pas à relâcher un sourire, sa prison intime marque ses expressions. Ses pieds commencent à faire sentir la distance qu’ils ont parcourue, ses jambes sont lourdes. Il faut dire qu’elle n’a pas dormi, que cette veille fût un cauchemar…
(.../...)

lundi 2 avril 2012

Les clefs : 1 - 4


1 – 4

Ils avaient passé une excellente journée. Le soleil aspergeait le lit, ses rayons rigides donnaient corps à la poussière en suspend. Il était calme. Il lui caressait les cheveux en chantonnant. Elle se reposait détendue contre son épaule. Le monde était absent. Le téléphone n’existait pas. Il n’y avait qu’eux dans leur bulle d’amour opaque. Elle était bien mais le crépuscule a brouillé l’atmosphère. Il a voulu sortir, aller prendre l’air, alors ils sont sortis sous le ciel griffé de violet. Il la maintenait solidement contre lui. Elle se sentait protégée. Ils se dirigeaient gentiment vers la gare de Lyon lorsqu’ils ont rencontré le Breton. Jamais il n’aurait fallu croiser ce type-là ! Dès le départ elle ne l’avait pas senti. Il faisait partie de cette catégorie de personnes qui suintait le malsain. Sa mine cireuse, ses lèvres boudinées et salivantes, son petit œil sournois enflé par l’alcool, n’inspiraient à Emma qu’une intense répulsion. Il venait de débarquer à Paris et ne savait pas où coucher. Il l’avait invité à prendre un verre, l’autre lui avait renvoyé l’ascenseur et de verres en verres, ils s’étaient construits une belle amitié transparente. Elle n’avait pas eu droit au chapitre. L’ivresse s’emparait d’eux tandis qu’une nuit claire tamisée d’étoiles s’immisçait sur la capitale. Ils continuaient de boire tandis que les bonnes gens étaient rentrés chez eux et regardaient sans doute la télévision. Les voix s’emportaient, la moiteur irradiait son arôme âcre, le comptoir était cerné de mégots. Emma s’ennuyait mais n’en laissait rien paraître. Il se passionnait pour des sujets sans grande importance tenant le coup face au Breton qui ricanait en regardant le sol. Le barman étudiait de loin le niveau des consommations. L’air était étouffant et leurs rictus étaient déplorables quand Il invita le Breton à boire un dernier verre à la maison, un Cognac Napoléon. Emma s’angoissa immédiatement à cette idée, mais l’autre accepta avec joie. Ils remontèrent le boulevard. Les réverbères s’arquaient sur leur chemin. Les rues tentaculaires semblaient garder un secret. Ils habitaient à proximité, aussi arrivèrent-ils rapidement dans l’appartement encore en travaux. Le Breton récupéra des coussins qu’il plaça contre un mur et s’y avachit. Il retourna une caisse devant lui qui se transforma en table basse en pin du Chili. La bouteille arriva avant les gobelets en plastique. Qu’à cela ne tienne ! Ils se mirent à boire au goulot.

(.../...)

lundi 26 mars 2012

Les clefs : 1 - 5



1 – 5

- « Je ne crois pas que ta nana se sente bien dans l’ambiance… »
- « Tiens chérie, tu vas te boire un petit Cognac avec nous, ça te décoincera un peu ! »
Il lui servit un gobelet rempli jusqu’au col.
- « Et glou ! Et glou ! »
Elle but sans conviction. L’alcool lui brûlait la gorge et l’estomac.
- « Et glou… et glou… »
Elle eut un haut-le-cœur.
- « Je te parie qu’elle n’arrive pas au bout ! »
- « Tu rigoles ou quoi ? Allez, mon cœur, tu vas tout boire, pas vrai ? »

Ils s’excitaient tous les deux en se tapant sur les cuisses, aussi prit-elle sur elle de faire cul sec. L’alcool descendit et remonta. Elle se couvrit la bouche des mains et se précipita s’isoler dans la salle de bain. Elle vomit. Sa tête tournait, ses doigts tremblaient. Elle s’aperçut blême dans l’armoire à pharmacie. Elle se déshabilla et entra dans la douche. L’eau tiède pénétrait doucement sa chevelure, Emma revint à elle. Le savon parfumé rassurait son corps et évadait son odorat. Elle replaçait la tête sous le jet lorsqu’un courant froid l’étreignit. Elle frémit. Il venait d’ouvrir le rideau d’un geste large. Elle poussa un petit cri de surprise.

- « Alors, tu es d’accord ? »
- « Pourquoi ? »
- « Laisse tomber. Tu vas voir. »

Il récupéra les vêtements qu’elle avait posés sur le porte-serviettes et rejoignit la pièce principale. Emma s’essuya et enfila son peignoir blanc en nids d’abeilles. Elle s’apprêtait à filer discrètement dans la chambre afin d’enfiler quelque chose quand Il l’intercepta. L’intensité lumineuse changea. Il restait dans son dos, solidement rivé à ses épaules. Emma sentait son haleine chatouiller sa nuque. Il était brûlant. Elle était glaciale.
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lundi 19 mars 2012

Les clefs : 1 - 6



1 – 6

Il poussa d’une voix rauque :
- « Tu la veux ? Prends-là ! »
Emma eut un mouvement de recul. Il resserra l’étau de ses mains. Le Breton glissa jusqu’à elle sans se lever. Ses yeux n’étaient que deux fentes luisantes. Ses dents pointaient à l’orée de ses lèvres charnues. Elle sursauta violemment dès qu’il commença à l’effleurer. Il frôlait pourtant ses pieds avec délicatesse, il jubilait remontant tel un serpent jusqu’aux chevilles qu’il empoigna avec une force inattendue. Le Breton la dévisageait sans émotion reprenant son ascension, les mollets, les genoux qu’il vint mordiller, l’entrecuisse… Emma, transie jusqu’alors, se mit à hurler et à se débattre impuissante. Le Breton se replia tout de même contre le mur de peur de subir la ruade. Emma se sentait reprendre de la force. Il relâcha sa poigne, elle libéra un bras se retournant pour lui faire face, mais tandis qu’elle achevait son mouvement, Il lui décocha un coup de poing qui l’envoya à terre. Emma était sonnée. Jamais elle n’avait vécu cela. Elle avait toujours été une petite fille sage. Elle avait reçu plus de conseils de ses parents que de réprimandes et encore moins de claques. Elle gisait sur le sol et le fixait avec rage.
- « Ne me regarde pas comme ça ! Baisse les yeux ! »
Elle ne lâcha pas prise. Il fulminait. Elle le provoquait. Il l’insulta et la saisit pour la projeter de toute sa colère contre l’armoire. Le crâne d’Emma vint heurter la porte en bois qui s’entrouvrit à l’instant où elle perdait connaissance.


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lundi 12 mars 2012

Les clefs : 1 - 7


1 – 7

Emma a beaucoup marché, elle n’en peut plus. Elle est même revenue sur ses pas. Elle déambule dans Paris, déconnectée du monde réel. C’est en fantôme qu’elle trouve un coin dans un bar bardé de néons. Elle retire ses chaussures sous la table et commande une boisson chaude et un sandwich. Quelle heure est-il ? L’heure de la présence hypocrite de la lune dans le jour encore vif. L’heure des flash-back, de l’angoissante réalité. Elle pleure. On l’avait bien prévenue. Elle n’avait rien voulu entendre. Elle avait même pensé que le bonheur des uns faisait le malheur des autres. Comment peut-on à ce point ne pas connaître l’être avec lequel on vit ?

Elle aurait préféré ne pas revenir à elle. Ils l’avaient transportée dans la chambre. Sa tête était posée sur l’oreiller, on la prenait calmement. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Il était assis en face et la scrutait. Le Breton intensifia son va-et-vient. Elle voulut réagir mais elle ne le put pas. Elle suffoquait. Le Breton sortait et replongeait en elle avec rudesse. Elle poussa une plainte qui sembla le ravir. L’étranger se la donnait de plus belle. Il les observait en se décomposant, Emma laissait filtrer son image ténue entre ses cils et se mit à gémir. Il pinça les lèvres, l’autre se pondéra la quittant de nouveau. Le Breton se caressait le sexe entre ses fesses, il s’apprêtait à la sodomiser quand Il surgit d’un bond de l’autre extrémité de la pièce le chassant brutalement.
- « Non. Tu n’y as pas droit. Cette partie d’elle n’appartient qu’à moi ! »
L’autre capitula et battit en retraite salement exhibé au fond de la pièce, visqueux et sur sa faim. Emma le vit passer misérablement humain dans sa nudité, elle éprouva la pitié dont il ne faisait pas preuve. La seule chose qui semblait désormais intéresser le Breton était la manière dont Il était censé l’achever. L’homme pensait sans doute se finir en observant la manœuvre. Celui qu’elle aimait lui mit une tape sur le cul.
- « Bouge ! Je t’ai vu te cambrer pour lui, tu peux bien onduler un peu pour ton mec ! »
Emma demeurait statique. Il la frappa plus fort. Elle ne réagissait pas. Le Breton se mit à ricaner. Il tentait de la pénétrer mais il bandait mollement, son sexe pliait et ricochait contre la chair. Il poussa un râle d’exaspération.
- « Tu ne peux pas y mettre du tien ? »
Emma faisait la morte. Il insistait sans y parvenir au point de l’esquinter. Il était mou. Désespérément lâche, le Breton continuait de se moquer. Il se rétracta au bord du lit, sa respiration rythmait ses nerfs, ses poings déchiraient presque les draps. Emma ferma les yeux. Elle écoutait. Il stoppa sa respiration, le Breton avait gloussé de nouveau, une raillerie de trop. Il lui fonça dedans et le traîna sauvagement de l’autre côté de la pièce. Il revint furieux, prit les fripes de l’ironique et lui envoya à la figure.
- « Maintenant tu te casses ! »
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lundi 5 mars 2012

Les clefs : 1 - 8



1 – 8

La porte de la chambre fut refermée dans l’emportement général. Les sons parvenaient étouffés jusqu’à Emma, mais elle entendit le Breton éclater d’un rire complètement cynique. Rien ne semblait pouvoir terrasser ce rire qui retentissait entre les parois vides du couloir. Des bruits de lutte… les éclats de rires se tarirent, on heurta un carton de vaisselle, plus rien. Emma se concentrait. Plus rien. Puis la porte d’entrée s’ouvrit et se referma. Elle s’attendait à voir quelqu’un débarquer mais l’immobilité avait gelé l’appartement. Emma était accablée par une fatigue extrême. Ses membres étaient engourdis.
Elle souffrait sans encore tout réaliser. Quand allait-il se décider à revenir ? Emma se laissait aller, le vide l’envahissait, un de ces néants qui mettent fin aux envies comme aux angoisses. Elle ne sentait pas le fil de salive qui la reliait à la taie d’oreiller, seul cet abattement total qui la rivait à la terre tandis que son esprit souhaitait s’évader. Tandis qu’elle cherchait l’ailleurs, Il revint.
- « Tu dors ? »
Silence. Il s’approcha, la frôla et vint poser quelque chose de froid contre son poignet qui la blessa. Elle ne poussa pas même un soupir. Il souffla. Elle ne donnait aucun signe de vie. Il lui dégagea tendrement une mèche sur le front.
- « Tu dors ? », répéta-t-il avant de planter le couteau dans l’oreiller d’Emma et de quitter l’appartement comme un dément.

(.../...)

lundi 27 février 2012

Les clefs : 1 - 9


1 – 9

Depuis combien de temps Emma est-elle perdue dans son film intime ? La nuit s’est étoffée, elle déverse un généreux flot d’étoiles qui promettent un lendemain lumineux.
Un homme étrange et fascinant la dévisage depuis la table voisine. Emma espère le remettre à sa place par une grimace ennuyée, mais il est absorbé par sa présence. Elle essaie de l’ignorer, en vain, ces yeux sont trop francs. Au bout d’un moment, il se lève et vient s’asseoir en face d’elle. Il ne cesse de la défigurer, Emma pénètre ses iris et ressent une sorte de trou noir. Elle chute dans l’inconnu. Il n’est que silence et profondeur. Elle ne peut parler tant l’intensité des secondes puis des minutes qui passent, pèse sur sa personne. Il la décortique visuellement, il dégage la lourde porte de chair et contemple au-delà de ses organes sa peur d’âme enfermée.
- « Vous êtes la victime parfaite. »
Il a baissé les yeux en ouvrant la bouche. Il n’a pratiquement pas bougé les lèvres.
- « Et j’imagine que vous êtes le prédateur ? »
- « Cela se pourrait. »
Il attend l’émancipation des sons qu’il a produits avant de la fixer encore un long moment. Emma fatigue. Elle commence à être dans un état où plus rien n’a d’importance. Il baisse la tête et reprend :
- « En fait, non. Vous ne m’intéresseriez pas ce soir ! »
- « Pourquoi donc ? »
- « Parce que vous vous en fichez de mourir. Je suis un homme, pas un animal. Je n’ai guère envie de vous manger, la société m’engraisse suffisamment. Alors quel intérêt aurais-je à vous tuer si ce n’est pour vous déposséder de ce qui vous tient le plus à cœur, autrement dit : la vie ? Il faut de la souffrance pour m’enthousiasmer, des cris, de l’horreur.
Pourquoi irais-je soulager les âmes suicidaires ? Je vous l’ai dit, le malheur des autres est un moteur considérable. »
Il contorsionne ses mains aux ongles rongés. Plus il s’exprime et plus son visage subit un enchaînement de tics. Sa joue remonte à la fin de ses phrases en un rictus qui lui confère une angoissante apparence.
- « Alors pourquoi venir à ma table si ce n’est pas pour me nuire ? »
- « Voilà ce qui fait de vous une martyre : votre naïveté. Vous ne comprenez pas vite ! Je suis là pour vous aider. »
- « Je trouve cela antinomique ! »
- « Au contraire, si je parviens à vous remettre sur la voie, vous pourriez goûter au bonheur et allez savoir, nous pourrions venir à nous recroiser… »
Sa joue se contracte et fait plisser son œil clair. Il se tord désormais les doigts sous la table.
- « Alors, comment allez-vous m’assister ? »
- « En vous guidant vers la reconnaissance de vous-même. Vous êtes transparente. Vous avez très peu conscience de votre être. Vous êtes douce. Vous êtes tendre. Votre aura est pastelle, elle luit comme un phare en mer. Il est évident que cette source de clarté attise les convoitises. Vous permettez à ceux qui n’en ont plus de consommer de la vertu. La jeunesse vous égare et par méconnaissance de l’amour vous sacrifiez tout aux autres. Votre corps est votre maison, votre esprit est un guide, votre vie vous appartient. Voilà ce que la maturité vous dévoile. Or, vous donnez immodérément et sans considération. Méfiez-vous de trop vivre à travers les autres, les vampires modernes ne dorment plus dans des cercueils mais ont toujours de bons arguments pour s’abreuver à votre énergie vitale. »
(.../...)

lundi 20 février 2012

Les clefs : 1 - 10


1 – 10

Emma demeure attentive tandis que les vagues de paroles s’échouent à ses oreilles. Il plante ses pupilles immenses droit dans son cœur et cesse de grigner. C’est elle qui, à cet instant, ne parvient à faire face. Il s’excuse et la laisse un moment. Il est tard, le bar va bientôt fermer. Il reparaît et lui glisse devant les yeux un trousseau de clefs.
- « J’ai connu quantité de remises en question. Moi aussi, il fût un temps, je ne savais pas où aller. Je m’en rappelle, aussi vous trouverez l’adresse sur le porte-clefs. Rassurez-vous, je n’y vis pas. Restez-y autant qu’il vous sera nécessaire pour réfléchir… »
Il pose les clefs sur la table et disparaît.
- « On va fermer ma petite dame ! »
Emma se dresse, hésite et finit par prendre le trousseau avant de s’éclipser.
La lune en arêtes semble indiquer le chemin, Emma suit son conseil. Elle marche, il fait frais, le vent l’étreint au coin des rues. Un pas, encore un pas, un autre, un suivant et voici qu’apparaît la Seine miroitante. Emma descend l’escalier au pied de Notre-Dame et rejoint le fleuve. L’eau noire avale et recrache les étincelles orangées des réverbères. Emma respire de toutes ses tripes. Elle se sent libre, libre d’avoir, à partir de maintenant, le devoir de se respecter elle-même. Elle saisit les clefs dans sa poche, elles sont fraîches dans sa main. Elle contemple le clapotis dans lesquel se brisent les lignes des belles architectures et, soudainement, elle balance les clefs à l’eau. Le trousseau s’engouffre sans bruit dans les profondeurs mystérieuses du fleuve. Elle part, elle trouvera bien un hôtel. Quant à la clef du bonheur, elle verra ça demain.

lundi 13 février 2012

L'Eté

"Dans ce soleil vibrant
j'ai apposé mon ombre
d'homme méprisant."

SAMUEL

lundi 6 février 2012

Homicide X : 2 - 1


HOMICIDE X

2 - 1

Une mouche virevolte contre un carreau de l’atelier. Une chaleur moite stagne dans la pièce écrasée de lumière. Un ciel bleu franc laisse filer quelques moutons blancs. Le soleil est partout, victorieux sur l’ombre. Le bourdonnement incessant d’un insecte fait ciller Samuel nerveusement. Il est assis dans son fauteuil américain en cuir fauve et fait face au chevalet sans pour autant contempler la toile encore luisante et poisseuse. Il semble éreinté et ne cesse de se repasser son mouchoir sur le front et sous le nez. Il perle aussitôt. Il voudrait retirer sa peau, l’accrocher là, au portemanteau acajou et redécouvrir la fraîcheur d’un patio verdoyant et malheureusement imaginaire. La mouche insiste en se cognant contre la vitre dans le dessein évident de percer le ciel. Elle irrite Samuel quant à son incapacité à y parvenir. En ce moment précis, l’été n’est rien. La chaleur écrasante n’est rien. Il n’existe que cet insecte perturbant et cette odeur. Odeur omniprésente désormais. Odeur accusatrice. L’odeur noire. Cet arôme âcre de la mort qui, subrepticement, commence à prendre le dessus sur l’essence de térébenthine. Samuel s’éponge à nouveau le front, la lèvre, les coins de la bouche. Il est abattu. Il ne sait plus quoi faire. Il se lève. Il se rassied. Il serre son mouchoir dans son poing. Ce n’est pas qu’il soit réellement peiné, ce qui l’angoisse, c’est l’organisation, le déroulement de la manœuvre, le timing. L’insecte s’entête absurdement. Samuel se dresse, va jusqu’à la baie vitrée. Il patiente en regardant la rue en contre-plongée puis, d’un coup, il saisit la mouche pour l’écraser dans sa paume. Cela suffisait !


(…/…)

lundi 30 janvier 2012

Homicide X : 2 - 2


2 – 2

Le faux silence, le jour si cru et la toile si présente. Ce corps si réel, sa vibration obsédante, Samuel ne peut finalement s’y dérober. Il ne se souvient pas d’avoir peint autre chose que des femmes. Elles l’ont toujours particulièrement inspiré. Souvent, il ne s’attache qu’à un détail car leurs ensembles lui paraissent trop évidents. Il cherche leurs couleurs intimes, leurs fascinantes gestuelles, le moyen de les faire taire. Il veut l’animation, le goût secret du sucre et de l’amertume. Il espère l’apaisement après la passion sensuelle de l’application des matières sur le support encore vierge. Il se régale de sa cuisine d’huiles et de pigments. Il se grise aux essences anciennes. Il vampirise son modèle jusqu’à l’abandonner, vidé, dans un coin de la pièce, figé dans la pose. Il parvient à s’oublier lui-même pour ne laisser vie qu’au hasard d’une rencontre, qu’à la magie d’un instant. Il aime la pluie sur l’atelier, l’alcool fort et la limite d’un pas franchie. Il affectionne les teintes franches et les obscurités. Il exprime les cruelles vérités.

(…/…)

lundi 23 janvier 2012

Homicide X : 2 - 3


2 – 3

Midori n’a pas bougé. Fièrement, elle tient sans broncher. Ses poignets liés lui étirent les bras en une contraignante prière. Ses jambes de sirène très blanches sont repliées sous elle et ne laissent apparaître que ses chevilles fines de porcelaine bleutée. Sa longue chevelure noire et épaisse casse, luisante, sur l’onde de sa taille et va mourir sur ses hanches. Ses pieds sont des lotus aux pétales entrouverts.
- « Ce n’est plus humainement tolérable. Je vais te décrocher… »
Samuel se précipite soudain. Il prend une chaise au passage et grimpe dessus pour dénouer le lien. Midori se laisse faire. Pas un mot.
- « C’est trop serré. Attends, je vais chercher de quoi couper. »
Il revient avec un énorme couteau de chasse. Il remonte sur la chaise et après une profonde inspiration, il coupe le cordon.
Le corps tombe de son piédestal sur le tapis rouge.
- « Ça ne va pas… »
Samuel agrippe les chevilles et tire pour déplier le corps.
- « C’est pas vrai ! »
Midori est rigide. Elle ne veut pas s’allonger.
- « Il va falloir te détendre ! »
Samuel s’entête et enfin, l’une des jambes cède puis l’autre après un craquement sordide. Il sue à grosses gouttes. L’odeur est épouvantable. Il passe à l’avant pour lui mettre les bras le long du corps mais voici qu’une jambe commence à se rétracter derrière lui pour reprendre sa forme initiale. À bout de nerfs, il part dans la cuisine se servir une vodka. Il ouvre la fenêtre, le soleil l’envahit, il se retrouve aveuglé. Il se fait au plus vite une visière de doigts rouges et finit par tourner plus radicalement le dos. Il descend son verre et retourne à côté. Midori semble être une poupée abandonnée au sol par un enfant colérique. Un rai de clarté traverse son regard vitreux. Alors, il s’y atèle de toute sa volonté et réussit par l’enrouler dans le tapis comme un gros nem. La tâche s’avère épuisante et Samuel finit par s’asseoir dessus, la tête entre les mains, liquide et essoufflé. Il ressort son mouchoir, se le passe sur le visage, le cou, la nuque. Il se décide à aller prendre une douche froide. Il ne reparaît qu’un long moment plus tard en pagne et les cheveux humides. Après un regard circonspect dans la pièce, rien n’a changé, il peut aller faire sa sieste. Il monte l’escalier qui mène à la chambre, une pièce spacieuse. Il y fait le noir en tirant de lourds rideaux et allume la lampe de chevet près du grand lit carré. Il vérifie que tout va bien puis il éteint avant de s’étendre en croix. Ses yeux restent collés au plafond. Un souffle parvient à pénétrer entre les sombres voilages. Un rayon fend l’espace et dore la poussière en suspension. Cette fois, Samuel ferme les paupières, il se masque de ses paumes, pourtant des lumières flashent l’écran de sa conscience…

(…/…)

lundi 16 janvier 2012

Homicide X : 2 - 4


2 – 4

Les spots irradiants d’une boîte de nuit Parisienne, Midori qui danse contre les corps moites, électrisée par la musique aux basses impitoyables. Son corps frappé par les faisceaux des projecteurs, son audacieuse ondulation, sa lèvre qu’elle mord…

Samuel rouvre les yeux, le rai de soleil continue à vibrer dans l’air, la poussière persiste à virevolter. C’est encore une belle fille. Elle n’est pas encore ce rouleau de printemps périmé qui dort en bas…

Son visage est plus abstrait que ses formes.
Elle en veut, elle se déhanche sans pitié. Le monde n’est rien sous ses pieds. Il la veut. Il la désire. Il rôde. Elle puise dans son regard l’énergie qu’il lui faut pour suivre la cadence binaire et fuyante. Il l’envisage. Elle s’offre à la sensuelle agitation des nappes cristallines livrées par les mélodies électroniques. Il se colle à la balustrade. Elle l’inspire. Il la dévisage. Elle s’étire. Il est en nage. Elle abandonne la cadence et vient le frôler avant de s’engager vers l’arrière-salle. Samuel sent l’attraction lactée de cette peau si pâle qu’elle laisse une traînée luminescente dans la nuit de lumière noire. Le prédateur est en éveil, les odeurs l’enveloppent davantage, il la renifle presque, tandis qu’elle s’est laissée approcher sur un divan de velours rouge. Elle est ce doux fruit à l’arôme floral qui suinte le musc et l’aventure, là, juste à portée de ses doigts, mais il ne souhaite pas la toucher, pas encore. Il veut observer ce fruit insolite, l’aider à mûrir avant de le croquer.

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lundi 9 janvier 2012

Homicide X : 2 - 5


2 – 5

- « Vous êtes très belle mademoiselle. »
Elle ne sourit pas. La seule chose qui la taraude est la manière d’attacher sa queue de cheval. Elle pousse un soupir blasé sans le quitter des yeux. Un autre couple s’incruste sur le divan dans son dos et lui tire les cheveux par mégarde. Elle bondit et leur crache des paroles inaudibles. Samuel profite de l’incartade pour lui saisir le poignet et l’entraîner à sa suite dans le brouillard de tabac. Les veines chaudes palpitent dans sa main, Samuel défie la barrière de danseurs qui s’écartent en sautillant.
Ils longent les enceintes, elle récupère sa main pour se boucher les oreilles néanmoins elle continue de le suivre. Ils se présentent au vestiaire :
- « Samuel, et toi comment t’appelles-tu ? »
- « Midori. C’est japonais. »
Elle est grimpée sur deux marches pour arriver à sa hauteur.
- « Alors, on y va ? » dit-elle.
- « Où ça ? »
- « Eh bien chez toi ! On ne va pas sonner chez mes parents à cinq heures du matin pour aller baiser dans ma chambre ? »
Samuel monte l’escalier sans plus poser de questions. Il salue le physionomiste et débouche sur le boulevard toujours nocturne. Il hèle un taxi en projetant sa silhouette dans ses phares.

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lundi 2 janvier 2012

Homicide X : 2 - 6


2 – 6

Samuel vient d’être secoué par un spasme. Il se redresse dans une nausée soudaine, son estomac se rétracte douloureusement. Il n’a pas mangé depuis la veille. Le sommeil ne viendra pas.
Il descend jusqu’à la cuisine et se fait des spaghettis au beurre le tout arrosé à la vodka. Il retourne se poser dans son fauteuil en cuir pour manger. Son regard se diffuse dans le parquet jusqu’à ce qu’il constate l’emprunte cerclée de poussière du tapis. Il tique. Il part en quête de l’aspirateur et fait glisser au passage son assiette sur le rouleau de printemps. Ce n’est qu’après avoir aspiré toute la pièce et une bonne partie du couloir que Samuel s’autorise à finir son assiette. Il vérifie la porte d’entrée et remonte se coucher.
Il dort. Ses orbites semblent animées par son film intérieur :
Midori se faufile dans la ruelle où il habite. Il lui indique l’immeuble et l’étage et la porte. Elle entre dans l’appartement. Il allume. Elle flâne entre les toiles tandis qu’il leur sert à boire. Il ne la quitte pas des yeux. Elle marche et ses cuisses froissent le tissu léger de son pantalon en se frottant l’une contre l’autre. Ce doux froissement lui fait penser à un vol de papillon. Samuel songe au printemps qui vient d’entrer chez lui. Elle est là. Il est ivre de promesses, elle lui fait face et…
Samuel se dresse horrifié dans son lit : elle est là ! En bas…
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lundi 26 décembre 2011

Homicide X : 2 - 7


2 – 7

Comme Midori reste silencieuse, Samuel parle de sa vie. Du pourquoi il est devenu peintre, de son refus de la réalité.
- « Alors pour toi je ne suis qu’un fantasme de plus. »
- « Cela te dérange ? »
- « Bien au contraire ! »
- « Que veux-tu dire ? »
- « Nous sommes des consommateurs, voilà tout. Toi tu veux pomper ma jeunesse et moi ton portefeuille, quelque part l’équilibre est respecté. »
- « Tu veux de l’argent ? Mais c’est du délire ! »
Samuel est choqué.
- « Pourquoi m’as-tu ramenée chez toi ? Pour me baiser ? Pour me faire poser ? Qu’importe que ce soit pour l’un ou pour l’autre, de toute façon, il te faudra payer. »
-« Ok ! Puisque c’est comme ça, tu vas poser ! »
- « Nue ? Alors ce sera plus cher ! »
- « Déshabille-toi ! »
- « Les billets d’abord. »
Samuel lui tend l’argent. Son excitation se transforme en passable irritation. Il ne supporte plus ce chewing-gum qu’elle mastique bouche entrouverte. Sa moue est à la fois candide et extrêmement étudiée. Qu’elle âge peut-elle avoir exactement ? Seize ans, dix-sept ans peut-être… Peu importe, il a payé, il a tous les droits ! Comme elle dit : le client est roi. Elle plie consciencieusement ses billets dans son porte-monnaie et sans lever les yeux, entreprend son strip-tease.
- « Tu peux être belle mais tu es d’une banalité en cet instant précis ! »
Elle est piquée, sa cambrure s’est affirmée d’un coup, son regard noir luit rageusement.
- « Voilà, là tu as du chien ! »
Elle bout, coite, attendant qu’il lui explique la suite de son élucubration.
Samuel improvise une estrade avec la table du salon sur laquelle il précipite un linge bleu en cascade. Il lui fait signe de monter.
- « Je ne t’aide pas puisque tu es une vraie professionnelle ! »
Elle ne se laisse pas démonter et s’installe sur son piédestal plus boudeuse que jamais. Il s’assied dans son fauteuil et la contemple un long moment sans commentaire.

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lundi 19 décembre 2011

Homicide X : 2 - 8


2 – 8

- « Je ne vais peindre que ton corps. Ton visage est fermé tant tu es gênée. »
- « Je ne suis pas mal à l’aise ! »
- « Ce n’est pas la nudité qui t’effraie, c’est mon regard. Ce qu’un vieux con comme moi peut bien penser d’une si jeune personne qui se vend déjà. Ce que songeraient tes parents en te voyant affalée sur mon drap bleu. Tu es si concrète que le rêve semble s’être détourné de toi. Ton esprit n’est pas formé que ton corps s’étale déjà sans complexe. Ma toile va sentir la chair fraîche. »
- « Parce que tu ne te vends pas à travers ton art peut-être ? »
- « Si. Mais je maîtrise ce que je donne autant que ce que je prends. »
- « Alors nous sommes trop différents pour nous comprendre. »
- « Au contraire, nous partageons la crainte du lendemain. Moi, je vis ma bohème et toi, tu engranges ce que ta fraîcheur peut te rapporter. »
- « Ce n’est pas moi qui détermine le fonctionnement du système. La sélection naturelle d’aujourd’hui c’est la richesse et la beauté. Il se trouve que nous ne sommes pas égaux. J’ai eu de la chance, je ne suis pas vilaine, aussi, suivant les conseils de Ronsard, je n’ai pas l’intention de passer à côté des portes que mon physique peut entrouvrir.»
Samuel soupire à son tour. L’atelier s’illumine à l’aurore. Il se sent accablé par sa nuit mais il décide de se mettre au travail. Il se perd silencieusement dans ses préparations.

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lundi 12 décembre 2011

Homicide X : 2 - 9


2 – 9

La toile lui fait désormais face. La surface vierge le fait frissonner. Il vibre sous le coup de multiples émotions qu’il ne trie pas encore, il les exprimera par la grâce des matières. Il fait un pas en arrière, retient sa respiration comme s’il ne devait jamais refaire surface. Mécontent, il grogne et traverse l’atelier jusqu’à Midori qu’il saisit brusquement. Il lui impose une attitude suppliante, les bras tendus et les paumes offertes au regard du ciel. La position très anti-naturelle devait rapidement devenir un supplice pour la demoiselle dont les coudes tremblotants indiquent déjà le calvaire.
Enfin satisfait, il regagne le point de vue de son chevalet. Il s’arme d’un pinceau puis expire au maximum avant de saisir avec assurance les contours de la jeune fille d’un noir luisant teinté de grenat. Ses élans, presque brutaux, font apparaître le mouvement sur la toile, ironie, tandis qu’il considère son modèle immobile. Un soleil blafard déambule dans la pièce. Samuel est un animal livré à son instinct, il griffe l’épaisseur de la sombre pâte huileuse avec un couteau, le pinceau gît au sol, il était devenu inutile. Par sa gestuelle, il accentue l’étirement de son personnage, déterminé à faire jaillir un esprit de ce corps.
Dès l’instant qu’il peint, le temps n’existe pas.
Midori à la limite de défaillir, baisse les bras.
Le peintre l’ignore, perdu dans son combat avec la matière. Ses doigts sont gluants de la chair de son personnage, ses yeux sont absorbés, ailleurs, dans cet inconnu qu’il crée. Elle glisse lentement jusque sur le tapis épais et trotte le plus discrètement possible vers la cuisine. Elle se sert un verre d’eau. Elle ouvre le réfrigérateur et y passe la tête pour se rafraîchir. Il n’y a rien dedans hormis de la bière et une bouteille non étiquetée.
- « Tu peux me dire ce que tu fais là ? »

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lundi 5 décembre 2011

Homicide X : 2 - 1O



2 – 10

Midori fait face. Les fourmis qui lui courraient dans les bras se sont figées dans ses veines.
- « Je me désaltère. Il s’agit d’un acte vital, tu n’as aucun droit de me l’interdire. »
- « Tu as raison. Je n’ai nullement l’intention de te nuire, tu sais. Je ne suis pas un criminel. Je n’ai jamais tué personne. Tous les hommes ne sont pas les monstres que tu imagines. »
Samuel dégouline. Midori le trouve presque touchant, bien qu’un peu pitoyable. Elle n’est pas fan de peinture, ce type n’est rien pour elle. Il est même très éloigné de l’idéal d’une demoiselle de seize ans qui en paraît vingt-deux. Elle a conscience de la valeur commerciale du corps de sa jeunesse. Elle conçoit la place des fantasmes dans ce monde de virtualité. En poupée manga, elle entre dans le jeu des adultes, dans les enjeux et les vices du quotidien. Elle ne perdra pas sa partie. Elle consommera sa part, ce sera toujours cela de pris, qu’elle trouve ou non un sens à la vie, une réelle utilité.
Samuel détaille Midori nue dans sa cuisine. Elle n’a strictement rien d’une ménagère. Elle traîne jusqu’en plein jour ce je ne sais quoi de lunaire, comme un manque de réactivité au soleil, une pâleur revendicatrice d’obscurité. Ses yeux sont des braises mystérieuses qui transpercent une frange épaisse. Elle doute, aussi se montre-t-elle agressive. Il fait un pas vers elle, pose la main sur son ventre, puis il passe dans son dos et fait remonter sa main jusqu’à la maintenir muette. Il frôle l’oreille percée :
- «Après nous avoir accouchés, les femmes n’ont qu’une façon de nous espérer à nouveau dans leurs ventres : en nous dévorant. »
- « Je n’ai rien compris ! »
- « Retourne poser. »
- « Mais j’ai très mal dans les bras ! »
- « Vas te préparer. Je reviens avec la solution. »

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lundi 28 novembre 2011

Homicide X : 2 - 11


2 – 11

Samuel se dit en lui-même en partant que si les femmes avaient conservé une confiance impassible en l’homme, elles n’auraient pas à s’épuiser en rivalité puérile. Le sexe fort, l’emblème phallique millénaire, c’est quand même bien Lui. Devant l’effort physique, elles avaient besoin de bras. Voilà le résultat de l’ère technologique : moins de muscles et plus de prises de tête. Ce nouveau millénaire sera spirituel, paraît-il ? Faudra-t-il que toutes les femmes prennent une démarche de charretier et que les hommes acceptent la castration morale ? La religion nous conseille l’amour et promulgue les attentats. La société charrie et saigne ses hordes de célibataires. La génétique vole l’arc de Cupidon… Samuel gravit l’escalier, à l’étage, il se penche au balcon et jette un cil sur Midori, qui, juste sous lui, assise sur la table laisse balancer sa jambe telle une enfant affranchie. Il soupire en passant devant la porte de sa chambre qu’il referme machinalement et s’engouffre dans sa caverne aux trésors au bout du couloir. Ici, il archive, il entrepose tout cet indispensable dont il n’use que rarement : meubles en attente de rafraîchissement, objets insolites dénichés dans les vide-greniers du quartier, lampes sans lumière, horloge sans tic tac. Il se met à fureter, inconsistant au milieu des cartons non étiquetés et des sacs de voyage vides. Voilà qu’il tombe sur une corde assez longue pour le satisfaire aussi s’en retourne-t-il le cœur léger. Lorsqu’il reparaît du haut de son balcon, il lance en souriant un :
- « J’ai trouvé !», faisant immédiatement démonstration de sa trouvaille.
- « Tu as décidé de me pendre? »
Midori laisse sortir un bout de langue rose à une encoignure de sa bouche et révulse les yeux, agonisante.
- « En quelque sorte, mais tu vois le mal partout, je pensais principalement à te soulager… »
Il noue la corde à la balustrade puis fait remonter l’autre extrémité jusqu’à lui et la fixe.
– « Mon grand-père m’a appris à faire certains nœuds qui servent aux marins. L’un d’entre eux a le pouvoir de ne pas se refermer. Ainsi tu pourras prendre appui sur la corde ce qui te demandera un moindre effort. Nous ferons des pauses régulières. J’ai posé une bouteille d’eau près de toi… »
Midori se remet en prière. Elle semble s’être décontractée malgré la difficulté de la tâche.


(.../...)

lundi 21 novembre 2011

Homicide X : 2 - 12


2 – 12

Samuel s’abandonne à nouveau, sans palette, il jette les couleurs sur la toile. Il les caresse ou les attaque, les griffe, les mélange, les lisse ou les empâte. Il contraste la blancheur opaline de son corps d’huile fraîche avec l’assombrissement d’un paysage qu’il n’esquisse qu’à peine dans l’atmosphère d’une lune probablement dévorée par les nuages. Plus il pénètre l’image qu’il crée et plus il progresse dans ses propres révélations. L’été, qui pourtant, à poser ses valises dans l’atelier ébloui et surchauffé, ne transparaît d’aucune manière sur la toile. La noirceur mystérieuse et intemporelle d’où jaillit la Midori figurée ne transmet qu’un frisson d’étrangeté. Il ne fait pas si chaud à l’orée de ce corps bloqué dans l’obscurité. Le tableau est loin d’être achevé mais il est sorti. Il existe déjà. Il produit un effet encore un peu confus du fait de sa luisance extrême. Samuel s’essuie les mains et remet sa mèche en arrière.
- « Nous allons faire une pose ! »
Il va aider Midori à descendre, l’assiste pour passer un peignoir et l’invite à le suivre dans la cuisine. Il propose un verre d’eau. Elle accepte un soda et se contente d’un sirop d’orgeat. Il se sert une vodka. Ils se désaltèrent en fixant le cul de leurs verres, essoufflés par la température exceptionnellement caniculaire. Précisément, ils n’ont plus grand-chose à se dire. Ils sont près des fourneaux comme un vieux couple d’hypertendus, convaincus que tout ce qui est atteint est détruit. De retour de l’autre côté, Samuel incite Midori à venir voir ce qu’il a avancé. Celle-ci refuse. Princesse hautaine, elle regrimpe sur son trône sans desserrer les lèvres. Sans tarder, Samuel reprend son ouvrage. Sa créature s’est opacifiée sous l’assaut des rayons solaires alors il la galbe, joue des nuances, arrondit ses anguleux secrets. On entrevoit un visage assez flou, un regard indistinct qui mène droit au rêve. Samuel retravaille avec un pinceau fin les reflets de la chevelure mouvementée. Il peaufine la douceur du grain, l’air menaçant de ce sein pointé vers le ciel. Il retouche les plis de la taille, l’ombre des chevilles, des genoux, la cambrure du pied. Il s’applique à la vérité de ses mains suppliantes, à la souffrance de ce corps en attente.

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lundi 14 novembre 2011

Homicide X : 2 - 13


2 – 13

Le téléphone retentit de façon surprenante. Samuel hésite et disparaît finalement en se vengeant sur le torchon. Ne parviennent que des bribes de conversation :
- « Non, mais tu plaisantes !... »
Rire. Silence. Rire. Soupirs. Les sons s’éloignent. Midori tend l’oreille. Rien. Elle décide d’aller écouter ça de plus près. Il raccroche. Elle glisse. La corde coulisse sous la traction. Midori, surprise, voit Samuel revenir les yeux baissés, radieux. Il abandonne le torchon avec lequel il était parti, il récupère sa veste sur le portemanteau et lui lance juste un : - « Je reviens… »
Elle entend déjà se refermer la porte d’entrée.
Midori n’en revient pas. Elle se dit tout haut :
- « Il s’est barré ce con-là ! »
Machinalement, elle tire sur la corde mais celle-ci s’est resserrée sur ses poignets. Elle s’agace et au comble de l’excitation, elle se déchaîne sur son lien, qui à l’inverse de l’effet désiré, se rétracte au point de la blesser. Désormais debout, elle essaie de reprendre son souffle qui s’accélère dans la panique entraînant ses pulsations cardiaques.

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lundi 7 novembre 2011

Homicide X : 2 - 14


2 – 14

Samuel tourne au coin de la rue. Il traque l’ombre. Le bruit jaillit de toutes parts lorsqu’il débouche sur le boulevard. Il fuit jusqu’au café de « L’Escargot » où Benjamin et Jean l’attendent, déjà à moitié ivres.
Les vieux amis sont là avec leurs souvenirs de quatre cents coups et de coups à remettre. Ils se gondolent pour un rien, étayant le comptoir.
- « Tu ne vas pas être déçu d’être venu ! »
- « Alors que se passe-t-il ? »
- « Laisse tomber. Paie ta tournée et suis-nous ! »
Samuel ne cherche plus à comprendre. Il se commande un Jack et se laisse absorber par la conversation. L’alcool monte, il suffoque, espérant le retour du ventilateur mobile.
- « Je file aux toilettes. Nous n’allons pas tarder… »
Benjamin contourne le flipper et disparaît dans l’angle mort.
- « Tu peux bien m’éclairer Jeannot… »
- « Toute occasion rare, nous est chère, tu te rappelles ? »
- « Oui, cela dit, je ne suis pas beaucoup plus avancé. »
Benjamin reparaît.
- « Tu vas voir ! »

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lundi 31 octobre 2011

Homicide X : 2 - 15


2 – 15

Rien à faire, Midori est prise au piège.
Les encoignures de ses lèvres sont sèches, elle a malencontreusement fait tomber la bouteille d’eau que Samuel lui avait accordée en se débattant au bout de la corde. Elle s’efforçait de faire coulisser ses mains, les affinant autant que possible, quand elle a dérapé le pied pris dans le drap bleu et s’est cognée la tête. Les insectes qui lui dévoraient les bras ont laissé place à un effrayant courant froid qui la paralyse jusqu’aux épaules.
Il ne revient pas.
Il a menti. Un son vient de résonner dans le couloir. Midori cesse de respirer. Elle n’a pas rêvé, l’ascenseur ferme ses portes pour redescendre. Des pas inaudibles doivent se rapprocher de la porte d’entrée. Elle éclate en sanglots dès qu’elle s’aperçoit qu’il s’agit du voisin. Elle se met à hurler alors que des cliquetis persistent. Puis rien, plus que l’appel d’air de la lourde porte blindée du sourd d’à-côté.

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lundi 24 octobre 2011

Homicide X : 2 - 16


2 – 16

Jean a rangé sa vieille bagnole de l’autre côté de la rue. Samuel monte à l’arrière. Il regarde la ville à travers la vitre comme depuis un bocal. Les parisiens sont en vacances. Un climat presque provincial règne sur la capitale. Les terrasses des cafés donnent vie aux trottoirs. Le ciel bleu promet l’insouciance. Ils arrivent Place de la République et commencent à tourner afin de trouver un endroit où se garer. Justement, une voiture s’en va.
- « Nous y voilà ! »
Ils sont rue René et entrent dans un immeuble discret en pierres de taille. Il montent à pied jusqu’au cinquième, essoufflés et suants.
- « À toi l’honneur ! »
Samuel se contient. Il sonne. On lui ouvre. Il n’en croit pas ses yeux !




Midori est inconsciente. Elle a pleuré. Elle a gémi. Elle a crié. Personne n’est venu. Personne n’a entendu. Elle est restée combative un long moment avant de sombrer dans la folie de la peur et de la souffrance. Sa cheville a doublé. Son dos trop cambré l’a torturée. Elle a vu ses mains blanchir avant de se contracter telles des serres. Elle a commencé à se refroidir. Le sang abandonnait l’extrémité de ses membres pour aller préserver les organes vitaux. Elle s’est mise à prier, néanmoins le froid continuait de l’envahir lentement. Elle ne ressentait plus l’été, que la terreur de cette solitude morbide.

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lundi 17 octobre 2011

Homicide X : 2 - 17


2 – 17

Samuel s’essuie le front avant d’entrer.
Jamais il n’aurait songé revoir Mariella, en tout cas pas depuis la fin de ses études d’Histoire de l’Art à l’institut Michelet. Elle a forci mais elle est toujours resplendissante. Avec elle, remontent à la surface l’amertume du café du Gamin de Paris, la confusion de la jeunesse en quête d’elle-même dans les allées du Luxembourg, les études bâclées.
- « Eh bien, pour une surprise : c’est une surprise ! »
Mariella jubile :
- « Et ce n’est rien ! Te souviens-tu de cette histoire avec mes soeurs ? »
Elle s’est rapprochée et le fixe de ses grands yeux verts. Il la saisit et l’embrasse soudainement. Elle répond passionnément à ce baiser sans nostalgie puis l’arrête pour le questionner à nouveau du regard.
- « Tu sais que je n’y ai jamais cru. »
- « Tu vas en avoir la preuve ! »
Elle le prend par la main et l’entraîne à sa suite dans le couloir.
Benjamin et Jean sont en charmante compagnie dans le salon. Visiblement, ils connaissent intimement les demoiselles en présence et n’ont pas attendu leur camarade pour débuter les préliminaires.
- « Je te présente Marie et Marion. »
Elles lui font face, se dégageant de leurs étreintes et le saluent, l’une d’un clin d’œil, l’autre d’un sourire complice. C’est incroyable ! Cette vieille histoire de triplées était donc vraie… Mariella s’était jouée de lui lors de rendez-vous galants, préférant lui envoyer ses sœurs lorsqu’elle avait mieux à faire ou à connaître.
- « Tu en étais une sacrée ! »
- « Je le suis encore ! »
Elle l’agrippe et le mène jusqu’à la chambre. Elle se dévêtit terriblement aguichante dans sa lingerie écossaise. Il se laisse happer et tomber sur le lit soyeux. Mariella se met sur lui et comme pour répondre à sa dominance, il retourne la situation. Il est désormais sur elle et lui maintient les poignets au-dessus de la tête, l’air triomphal.
Elle rougit de gourmandise et pour l’encourager davantage, elle lui susurre languissamment un :
- « Tu veux m’attacher ?»
Samuel se redresse d’un bond. Une énorme suée le rend liquide, mis à nu devant Mariella incompréhensive, il se rhabille aussi vite qu’elle l’a déshabillé.
- « Il faut que j’y aille… »
- « Tu plaisantes ? »
Il ne prend pas le temps de répondre et quitte l’appartement sur le champ.
(.../...)

lundi 10 octobre 2011

Homicide X : 2 - 18


2 – 18

Samuel court comme un dément dans la rue et se jette dans un taxi.
Il donne son adresse. Le conducteur fait taire son chien assis à ses côtés et jette un cil suspicieux sur son passager. Samuel transpire à grosses gouttes.
- « Vous ne supportez pas la chaleur ? »
- « En effet. »
- « Vous êtes comme ma femme. Un rien lui donne des bouffées de chaleur, alors la canicule, vous pensez ! »
Samuel n’entend plus. Le monde ne file pas assez vite. Les mouvements de la rue se décomposent de manière abstraite contre les vitres de la voiture. Le taxi finit par arriver. Il paie. Il jette un coup d’œil alentour et s’engouffre dans l’immeuble. Il cherche ses clefs. Il les fait tomber dans sa précipitation. Il y est.

La nuit est tombée comme un masque sur la réalité. Les rideaux ne bougent plus. Samuel se réveille de son cauchemar. Il se dresse les cheveux collés au front. L’émergence est difficile, il se sent troublé par une sensation singulière. Un doute. Un doute terrible. Son pouls change de cadence. Il descend l’escalier : le tapis est là. Il n’a rien rêvé. Il va s’installer dans son fauteuil pour méditer un instant sur ce spectacle sordide, puis il va regarder en bas par la baie vitrée : personne. Alors il prend son courage à deux mains et s’attelle à tirer le tapis jusqu’à la porte d’entrée. Il inspecte l’étage par le judas. Il ouvre la porte et traîne Midori momifiée. Il ne s’amuse pas, néanmoins il parvient à la mettre debout dans l’ascenseur.
Il la hale plus sereinement sur les dalles du hall. Il la dresse contre le mur le temps de vérifier l’extérieur et sort finalement sa tapisserie. La lune en unique témoin, il déroule le tapis rouge. Le corps roule sur le trottoir et va buter contre un véhicule. Prêt à un ultime effort, Samuel la livre au caniveau parisien.

Il lève les yeux au ciel et souffle un bon coup. Enfin il va se coucher l’âme plus légère. Avec un peu de chance, il aura de ses nouvelles demain : aux infos.





lundi 3 octobre 2011

Félicie Gambetta

"Je n'ai plus rien à cueillir,
Que mon âme qui s'ébranle
A l'idée de l'hiver à venir."

FELICIE




lundi 26 septembre 2011

3 - 1 : Félicie Gambetta



FÉLICIE GAMBETTA


3 - 1

Félicie se dresse doucement de son vieux fauteuil, ses reins résonnent en lancinante douleur. Elle se dirige vers la fenêtre, pose ses mains de chaque côté de l’encadrement et se met à regarder dehors.
La photographie de son amour fantôme…Marcus… l’observe depuis son cadre jauni. Il semble armé de son sourire moustachu en guidon de vélo et admire sa Félicie contemporaine se découper dans la lumière au bout de la pièce. L’appartement s’est abandonné au passé, seule la vigueur du soleil réjouit ses murs silencieux, c’est pourquoi Félicie se tient là, frémissante. Elle regarde la vie à l’extérieur si souvent qu’elle a laissé son empreinte sur les carreaux. Il faut dire qu’il y a bien longtemps qu’elle se contente de capter le monde à travers ses couches de poussière qui sont autant de saisons, tant d’années qu’il n’est plus l’époque de se retourner, aussi ses iris délavés clignotent-ils chaque jour derrière la vitre. De sa vigie elle se mêle à l’atmosphère de l’avenue Gambetta. C’est l’automne, les feuilles s’échappent des tas qu’on leur impose et virevoltent en tourbillons à l’entrée du métro Pelleport. Ce n’est pas encore l’heure de la sortie des classes, non, Félicie se retourne et regarde son divan avec amour, c’est l’heure de la sieste.

(…/…)




lundi 19 septembre 2011

3 - 2 : Félicie Gambetta




3 – 2

Félicie s’approche de sa forme que le temps a modelée dans les profonds coussins et s’y imbrique, se recouvre d’un plaid et cale sa tête sur un doux oreiller. Elle livre cours à ses émotions les yeux ouverts. Dire que jeune elle aurait rêvé de pouvoir faire la sieste mais que cela n’était pas possible, la vie au début est pressante. Elle sourit en se remémorant une fameuse sieste avec Marcus, elle lui jette à son tour un regard complice et tendre, puis finit par fermer les paupières. Dès l’instant que le fin rideau de chair s’abaisse, c’est dans le calme de son enfance qu’elle refait surface. Elle serre les poings et peut redevenir, un instant, l’enfant insouciante bercée par sa mère. Félicie s’évade dans un rêve. Au loin, le ronron continu des voitures se transforme en ruisseau, un grand saule pleureur se courbe au-dessus d’elle, un oiseau bleu est là, sur une branche, qui la regarde simplement.
- « Nous élève-t-on pour un jour toucher le ciel ? »
L’oiseau s’envole et vient se poser à terre près de Félicie. Il ouvre le bec et répond :
- « Viens caresser mon aile bleutée… son reflet dans la lumière me protège des prédateurs en me rendant invisible. »
- « Alors tu voles comme les fantômes ? »
- « En quelque sorte. Mais sais-tu ce qu’est un esprit toi qui en parles ? »
- « Une âme qui va au ciel… »
L’oiseau s’envole et vient atterrir sur sa tête.
- « Tes ailes à toi, ce sont les deux hémisphères de ton cerveau… »

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lundi 12 septembre 2011

3 - 3 : Félicie Gambetta


3 – 3

Quelqu’un vient de crier. Félicie se réveille en sursaut, se redresse et se dit à elle-même pour se rassurer :
- « Mais que se passe-t-il ? »
Elle se presse d’accéder à la fenêtre qu’elle ouvre timidement. Trois hommes se battent à la sortie du métro, l’un d’eux se débat à terre et hurle en accrochant son attaché-case. Les gens autour fuient ou se pressent en baissant la tête. Félicie n’en revient pas, aussi se met-elle à s’égosiller en voix off de chez elle :
- « POLICE ! POLICE ! »
Les agresseurs, dans le doute, lâchent prise et partent comme des dératés. L’homme à l’attaché-case parvient à se relever et replace ses lunettes, indigné, en rentrant dans le café d’en bas. La police n’a pas même été alertée que tout reprend son rythme normal. Félicie referme la fenêtre, sa sieste n’a pas été d’un calme olympien, cela dit, un soulagement déplisse les anciens soucis de son front.
C’est l’heure du thé. Elle passe à la cuisine, une pièce étroite pleine de bocaux et d’étiquettes aimantées sur le réfrigérateur. Félicie attrape la bouilloire chromée et la pose sur le feu, un crépitement métallique s’échappe de l’ustensile. Tandis que l’eau chauffe, son regard se perd sur son reflet gondolé, elle ferme le couvercle et sort les petits gâteaux de l’armoire. Ils ont pris l’humidité, elle les met dans une assiette, il faut les manger. L’eau bout, la boule est prête. L’infusion pourra débuter dès que l’eau ne sera plus que frémissante. Félicie regagne le salon et s’assoit à la table devant la nuit de Katmandou qui envahit sa tasse. Elle hume les arômes voyageurs du gingembre, du lotus et du litchi qu’elle reconnaît et cherche à débusquer les parfums inconnus de riches fleurs indiennes qui pourraient la faire s’évader de ce quotidien de la vieillesse parisienne. Personne ne sonne plus à la porte. Personne n’écrit plus depuis longtemps. Les rires d’enfants n’appartiennent qu’à la rue. La liberté s’arrête au départ des oiseaux. Heureusement, Marcus offre son éternelle présence depuis son cadre mais il ne répond pas et Félicie en est rendue à parler toute seule, à se souvenir ou à songer.

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lundi 5 septembre 2011

3 - 4 : Félicie Gambetta



3 – 4

- « Je vais manger un petit gâteau pour toi mon Marcus ! Pas terrible, il est mou... »
Marcus s’en fiche et continue de sourire impassiblement. Félicie retourne errer près de sa fenêtre. Les voisins sont rentrés, l’allogène est allumé. Le gamin du troisième de l’immeuble d’en face sèche devant ses cours dans sa chambre, sa mère s’anime en cuisine. Le proprio du second sort son gros chien, il passe devant la caserne des pompiers et y lance au passage un coup d’œil inquisiteur. Les collègues se retrouvent au café, c’est l’apéritif qui débute dans des cris de retrouvailles. Le boucher de la rue Haxo leur fait signe qu’il arrivera tout à l’heure. Une nuit épaisse a recouvert la ville bien qu’il soit encore tôt. Les passants accélèrent le pas suivant les conseils du vent qui rafraîchit les esprits. Une file se crée au tabac, les voitures ont allumé leurs phares et commencent à klaxonner nerveusement.
- « De stress, mon pauvre Marcus, voilà de quoi vivent les gens d’aujourd’hui ! Ils n’ont le temps de rien. »


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lundi 22 août 2011

3 - 5 : Félicie Gambetta


3 – 5

Félicie passe la main sur sa plante verte et allume le poste de télévision afin de bénéficier d’une présence. Elle baisse le son qu’elle ne remontera que pour les informations. Elle s’installe sur le canapé, tournée vers l’écran, mais rien ne parvient à saisir son attention. Elle prend un livre de poèmes : « Rimbaud. Une saison en enfer. » Elle l’ouvre au hasard, lit et referme l’ouvrage.
- « Dire que ta saison en enfer est issue de ta jeunesse, la mienne c’est vieille et isolée que je la vis. Quand tu te maintiens trop longtemps, tu finis par peser aux autres autant qu’à toi-même. Tant que tu restes utile ta vie a un sens, mais dans cette société, un jour on décide que tu n’as plus ton rôle à jouer, on te dit que c’est bien pour toi, que tu vas enfin pouvoir faire tout ce dont tu as toujours rêvé et tu pars confiant et souriant, tu avances, petit à petit, tu ralentis, puis tu te retournes et le monde a repris sa course sans toi. Pourtant tu aurais ton mot à dire à bien des sujets si l’on te donnait la parole. Tiens ! Tu pourrais donner le goût de la lecture au gamin d’en face ou encore prendre le temps de lui faire un gâteau.»
Parler, échanger, partager, voilà ce qui manque à Félicie. Elle se dirige vers la cuisine pour mettre les pommes de terre à cuire. « Jeune, je n’avais qu’un horizon face à moi et mille moyens d’y parvenir, aujourd’hui j’ai dépassé cet horizon et je me demande comment exister encore. »


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samedi 20 août 2011

3 - 6 : Félicie Gambetta


3 – 6

Félicie enfouit ses doigts dans le pot à gros sel comme si elle plongeait la main dans le sable. Elle sélectionne un gros grain qu’elle vient placer sur sa langue. « Vivre l’instant présent ? Je ne fais que cela, pourtant, il semble perpétuellement me ramener en arrière. Mon appartement est vieux, mon histoire date, il y a péremption sur ma garde robe, mon corps subit son époque mais mon esprit n’a pas abandonné. » Félicie sort du jambon blanc, deux belles tranches qu’elle roule dans son assiette, les patates sont chaudes, elle les écrase et dépose une noisette de beurre salé. Elle saisit ses couverts et part vers la salle à manger, son torchon sur le bras. Les infos vont commencer… « Le sida touche des gens comme vous et moi… »
Félicie a oublié la moutarde, elle se relève, râle après ses articulations.
« Le PSG signe in extremis un nouvel exploit à Marseille… »
Félicie est de retour avec le pain.
« Le blues des petits viticulteurs… »
Et son verre d’eau… Elle est repartie.
« Les fonds secrets à Matignon… »
Elle se souvient de sa moutarde. Elle jette un œil dehors, côté cour.
« Les Champs-Élysées seront sous surveillance avant les fêtes… »
Cette fois-ci tout y est, elle peut enfin s’installer devant son assiette.
« Un nouveau tireur fou aux États-Unis… »
Félicie cliquette machinalement ses couverts sur le fond d’arcopal.
Le calathéa replie ses longues feuilles épaisses vers le haut pour sa position nocturne, la lumière ne l’alimente plus, la plante s’endort.
« Les alliés américains sont visés… »
Félicie se sent si proche de ce végétal alors qu’elle subit le flot d’informations qu’elle ne parvient plus à trier. Le monde qu’elle a connu est décidément obsolète et celui d’aujourd’hui va bien trop vite pour elle.
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lundi 15 août 2011

3 - 7 : Félicie Gambetta


3 – 7

Elle n’a finalement pas très grand appétit, pour cela il faudrait pratiquer la philosophie du bonheur et ce soir son ombre a pris une autre dimension. Une boule sombre lui noue la gorge et l’estomac, elle dépose sa menue vaisselle dans l’évier. C’est l’humeur triste, la grisaille sur la Capitale. Il y a tellement longtemps que Félicie vit repliée en elle-même, que ses réponses nourrissent ses questions, que la réalité s’éloigne, d’ailleurs elle se méfie des temps qui courent presque autant que des secondes qui paressent. Quelque chose vient de bouger derrière elle pourtant elle ne l’a pas remarqué perdue qu’elle est dans ces tourbillons noirs de la dépression. En premier, elle se souvient d’avoir eu le ras le bol pour les tâches ménagères, ensuite elle a cessé d’être coquette et puis ces maux de tête, cette affreuse impression de perdre sa dignité… Félicie s’étend sur son divan et son ombre se détache doucement d’elle, comme pour lui faire face. Rêve-t-elle ? Non.
L’ombre la regarde et s’assied près d’elle. Elle n’a pas réellement de visage. Soudain une voix émane de la silhouette opaque :
- « Je ne supporte plus de t’entendre pleurer au fond de toi, aussi ai-je décidé de t’accompagner ce soir. Cela te ferait-il plaisir ? »
Félicie ne répond pas. Elle observe son ombre qu’elle ne reconnaît plus vraiment et demeure entre sa peur d’être devenue folle, sa crainte de l’inconnu et la disparition immédiate des pensées maussades. Son ombre vient lui prendre la main et commence à la caresser calmement, un murmure lui parvient, une vieille chanson, Félicie ferme les yeux et se délasse enfin. La course du vent autour des arbres froisse les rares feuilles sèches qui ne veulent pas tomber. Elle s’endort, il est plus tôt que d’habitude, le film ne fait que commencer.
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lundi 8 août 2011

3 - 8 : Félicie Gambetta


3 – 8

L’ombre disparaît à l’orée de ses paupières. Félicie se retrouve assise sur un banc au bord d’un lac. Il ne fait pas froid, l’oiseau bleu est là qui va s’envoler au-dessus de l’eau aux reflets orangés. Il n’y a pas de terre à l’horizon. C’est sans doute l’infini qui s’offre en perspective. Une coccinelle s’est posée sur sa jambe, Félicie la soulève du bout de son doigt et souffle en direction du ciel serein. Le paysage est grandiose, il pousse à la bonne respiration. Tout est incroyablement quiet, la végétation ne fait que susurrer son goût pour les arômes printaniers, les nuages sont ailleurs, rien ne brise l’équilibre de ce pacifique tableau. C’est bon d’être là, c’est bon d’être simplement. Mais au bout de la contemplation vient l’ennui et Félicie se détourne pour admirer derrière elle : le champ ? Le chemin du retour… Mais d’un coup la nuit est tombée. Elle n’y voit plus rien. De l’autre côté l’Eden s’est volatilisé. Elle est debout et inquiète. Elle ne sait où aller. L’obscurité l’enveloppe et la glace. Pourtant, là, elle réalise que quelqu’un lui tient la main. Ce contact la rassure, elle se laisse guider sans contrainte, soulagée de ne pas rester figée dans l’angoisse de la nuit. La poigne est ferme, elle manipule Félicie avec intelligence et la mène sans douter jusqu’à une porte. On lui pose la main sur la poignée.
Félicie remercie tout bas son ange gardien et rouvre les yeux :
- « Qu’est-ce qui m’a pris de m’endormir comme ça ? Bonsoir Marcus, je vais me coucher. »


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lundi 1 août 2011

3 - 9 : Félicie Gambetta


3 – 9

Elle éteint la lumière et traverse le couloir qui s’étire péniblement. Elle jette un œil au Paris de tous ses émois en fermant la fenêtre, elle frémit et prend place dans son lit de mariée, les bras croisés sur la poitrine. Elle se fait penser à un gisant, le regard collé au plafond, elle fixe le halo de la lampe de chevet, une guirlande de poussière qui se balance presque imperceptiblement. Son cœur bat vite, dès l’instant où elle s’est allongée le sommeil s’est enfui. Le réveil marque l’éternelle présence du temps perdu, du temps qu’il reste. La solitude est une fausse amie, une traîtresse. Elle erre avec son air de belle indépendance et pousse l’ironie d’être présente sans jamais vous aider. Elle vous écrase, vous enfonce, finit par vous convaincre que vous ne valez rien. Vous êtes minuscule dans son néant et elle place le vide dans vos yeux qui ne possèdent plus que l’étroitesse de leur seul regard. Elle savoure l’agonie des heures et c’est votre énergie qu’elle file entre ses doigts. Félicie se redresse, ajuste l’oreiller dans son dos. Son ombre est immobile contre les rideaux tristes.
- « Toi aussi tu t’ennuies, n’est-ce pas ? Ce ne doit pas être drôle d’être l’ombre d’une vieille femme. Viens donc t’asseoir sur mon lit ! »
L’ombre se déplace en glissant sur le parquet et s’installe auprès du corps pelotonné de Félicie.
- « Alors, tu as perdu ta langue ? Réponds. »
- « Je suis très heureuse de t’avoir suivie ta vie durant. »
- « Cependant je reconnais ne pas t’avoir beaucoup prêté d’attention ! »
- « Ce n’était pas ton rôle, c’était le mien. Et pour répondre à la question, c’est ta solitude qui me pèse. Jusqu’ici, tu m’as permis de m’animer, tu m’as emmenée partout avec toi, dans tous tes mouvements tu m’as été loyale. Le soleil est mon père et tu es ma mère. Tu es mon amie et je te serai fidèle jusqu’à la fin, tel est mon destin. Alors sors un peu de ta torpeur, tu peux compter sur moi. »
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lundi 25 juillet 2011

3 - 10 : Félicie Gambetta




3 – 10

Félicie semble extrêmement affectée, elle retient ses larmes et ses iris pâlissent dans l’eau de ses émotions. Il n’y a donc que les ombres et les chiens pour rester dévoués aux personnes âgées ? Où sont passés les hommes solidaires ? Ceux qui mêlaient le passé et l’avenir pour vivre le plaisir présent au repas du dimanche. Où sont passés ces hommes qui respectaient le sens des saisons ? Faut-il ne devenir qu’un passant dans sa propre vie ? Accepter de mourir par inutilité ? L’ombre s’est mise à pleurer. Félicie tend le bras vers elle et disparaît étrangement jusqu’au poignet dans la robe obscure. C’est très doux, cela rappelle le songe du paysage idéal qu’elle faisait tout à l’heure, ce même rêve qui l’a conduite au lit, convaincue de pouvoir trouver le repos. Elle ressent que l’ombre lui dit :
- « Si tu le désires, je te laisse aux bras de Morphée et nous nous retrouverons dès l’aube. »
Mais Félicie se met à tendre l’autre bras et pénètre l’ombre comme on entre dans une forêt. Plus elle progresse et plus la lumière se raréfie comme voilée par d’énormes branches.
- « Je crois que c’est à mon tour de t’accompagner. Personne ne m’attend tu le sais bien et puisqu’on m’a laissé penser que je n’ai plus de rôle à jouer dans la société actuelle, je décide de rejoindre ton autre côté, hors du temps je serai plus à ma place. À présent je vais pouvoir rajeunir, redécouvrir, m’enthousiasmer à nouveau pour cet inconnu. Je n’ai pas de regrets quant à mes petites habitudes, d’ailleurs pour une fois je pars en laissant la lumière allumée. Demain, après demain, qu’importe, quelqu’un viendra l’éteindre.

lundi 18 juillet 2011

L'Amour Ordinaire

"L'air glacial m'a figé
Dans l'espoir de la fraîcheur
Qui pourrait me réchauffer"

MAX





lundi 11 juillet 2011

4 - 1 : L'Amour Ordinaire


4 – 1

L’AMOUR ORDINAIRE


Je suis venu me perdre près de la rue de Charenton afin de débusquer le matériel informatique qui rendra plus complexe ma perception de ce monde soi-disant simplifié. Il fait froid. J’évolue dans la grisaille ambiante des regards baissés. Songeant aux vastes horizons dont nous sommes privés. Un ciel sans couleur semble posé sur les toits des immeubles. Pourquoi regarde-t-on le trottoir défiler sous nos pieds ? Je m’arrête. Je prends une grande inspiration. C’est l’hiver. Je suis dans un passage entre la rue de Charenton et l’avenue Daumesnil et je remarque la façade d’un nouvel immeuble dont les volets coulissants en bois clair sont du meilleur effet près de belles baies vitrées. Je constate avec amusement qu’au second et troisième étages, ces baies vitrées protègent des chambres d’enfants. Un petit lit au second, le même petit lit au troisième placé au même endroit. Une commode au troisième où trône un nounours adossé à la paroi de verre et, incroyable ! Au second, la même commode avec un nounours, qui, lui aussi, tourne le dos à la rue. Mes yeux font le va-et-vient entre les deux étages. Les deux pièces semblent avoir été reproduites à l’identique. La pensée me traverse que ces gens se ressemblent sans doute, que leurs enfants doivent avoir bien des choses en commun… Et puis, finalement, cela me paraît idiot et je pars.
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