lundi 26 janvier 2009

13 - 1 : Neuf


Neuf



13 - 1



Des profondeurs de ma nuit j’observe le halo brumeux de ma bougie. Cette aura qui encercle la flamme est, peut-être, l’âme de la lumière, son écrin, son égide. La lueur se diffuse dans les ténèbres comme auréolée de moiteur, l’effort fourni sans doute. La cire se creuse et pleure des chaudes larmes laiteuses. La mèche se consume tandis que son extrémité incandescente ne s’émeut pas. Seule la flammèche paraît vouloir voyager. Elle s’attache aux ailes de l’air puis d’un coup s’immobilise, droite tel un « i ». Elle danse à nouveau et les ombres l’accompagnent. Cet éclat minuscule trouble l’ambiance générale. Il prend possession des volumes alors les ombres se projettent créant une fresque mouvementée sur les murs. Un filet de fumée noirâtre parvient à mes narines.

Comment mes yeux pourraient-ils se fermer ?

Je préfère les garder grands ouverts, quitte à ce que l’heure venue, cette flamme continue à les animer alors que je serai parti.



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lundi 19 janvier 2009

13 - 2 : Neuf




13 – 2



Mes pupilles ne quittent pas cette boule de feu qui me rappelle le ventre de ma mère, ces neuf mois passés à croître dans sa chaleur, ce théâtre d’ombres rouges apprécié au travers de sa peau, puis la lumière de l’accouchement un soir de pleine lune. J’étais un être neuf désormais en gestation de moi-même.

Vint la captivante initiation de l’existence. Je travaillais à me développer. Mon angoisse m’a poussé à rechercher la plénitude. Mes désordres intérieurs m’ont donné le goût de l’ordre. Mes imperfections m’ont fait espérer en la perfection. Ma solitude m’a fait découvrir l’unité.



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lundi 12 janvier 2009

13 - 3 : Neuf




13 – 3


Bien que le ciel magnifique ait été posé au-dessus de ma tête, je ne pouvais le toucher que du bout de mes rêves. Je n’ai réellement connu que la terre et l’enfer. Les deux sont étroitement liés. Le gouffre n’est-il pas le fait de l’insatiable volonté humaine de repousser les limites de sa nature ? La nature qui est à sa portée ne le contente que rarement. Il lui faut viser l’inaccessible pour escompter s’assouvir.


Les muses ont taquiné mon désir de connaissances. Elles m’ont procuré l’amour nécessaire à supporter le destin. J’ai étudié leurs matières.

J’ai fait preuve de multiplicité afin de mieux comprendre les autres. C’est en m’offrant à eux que je me suis trouvé. Il m’a fallu m’extirper de mon petit nombril pour avoir foi en l’universalité. J’ai souhaité la vraie solidarité et les songes apaisants. Par une belle nuit d’été, j’ai assisté ébloui à une pluie d’étoiles filantes.



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lundi 5 janvier 2009

13 - 4 : Neuf




13 – 4



La terre a été la maison de ma réalité. Elle m’a prodigué la douceur d’une mère. Elle m’a soumis à ses humeurs. La materia prima, la tellus mater féconde et régénératrice a apaisé mon corps sous des caresses verdoyantes. Elle m’a fait réaliser la beauté de la vie juste avant de me précipiter dans ses souterrains. Cette mère qui te donne la vie t’assure de mourir en son sein, cette certitude est à l’origine de la spiritualité. La chanson claire de la rivière, la course des herbes folles, l’attrait de l’oiseau pour la montagne du soleil, rien de tout cela n’est acquis à jamais. Un jour, la chair tendre qui t’a vu faire tes premiers pas, puis courir, s’entrouvre sous tes pieds. L’espace se fissure jusqu’à ta chute. Tu tombes et la blessure cicatrise te laissant seul à te battre avec ta conscience. Pas d’issue, qu’un soleil noir et opaque qui te fait régresser vers une palpable obscurité.



Un jour, tu seras certain de l’échec total et définitif de ton existence. Tu rejoindras l’invisibilité. Tu devras combattre les monstres du pervertissement.


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