lundi 31 octobre 2011

Homicide X : 2 - 15


2 – 15

Rien à faire, Midori est prise au piège.
Les encoignures de ses lèvres sont sèches, elle a malencontreusement fait tomber la bouteille d’eau que Samuel lui avait accordée en se débattant au bout de la corde. Elle s’efforçait de faire coulisser ses mains, les affinant autant que possible, quand elle a dérapé le pied pris dans le drap bleu et s’est cognée la tête. Les insectes qui lui dévoraient les bras ont laissé place à un effrayant courant froid qui la paralyse jusqu’aux épaules.
Il ne revient pas.
Il a menti. Un son vient de résonner dans le couloir. Midori cesse de respirer. Elle n’a pas rêvé, l’ascenseur ferme ses portes pour redescendre. Des pas inaudibles doivent se rapprocher de la porte d’entrée. Elle éclate en sanglots dès qu’elle s’aperçoit qu’il s’agit du voisin. Elle se met à hurler alors que des cliquetis persistent. Puis rien, plus que l’appel d’air de la lourde porte blindée du sourd d’à-côté.

(…/…)

lundi 24 octobre 2011

Homicide X : 2 - 16


2 – 16

Jean a rangé sa vieille bagnole de l’autre côté de la rue. Samuel monte à l’arrière. Il regarde la ville à travers la vitre comme depuis un bocal. Les parisiens sont en vacances. Un climat presque provincial règne sur la capitale. Les terrasses des cafés donnent vie aux trottoirs. Le ciel bleu promet l’insouciance. Ils arrivent Place de la République et commencent à tourner afin de trouver un endroit où se garer. Justement, une voiture s’en va.
- « Nous y voilà ! »
Ils sont rue René et entrent dans un immeuble discret en pierres de taille. Il montent à pied jusqu’au cinquième, essoufflés et suants.
- « À toi l’honneur ! »
Samuel se contient. Il sonne. On lui ouvre. Il n’en croit pas ses yeux !




Midori est inconsciente. Elle a pleuré. Elle a gémi. Elle a crié. Personne n’est venu. Personne n’a entendu. Elle est restée combative un long moment avant de sombrer dans la folie de la peur et de la souffrance. Sa cheville a doublé. Son dos trop cambré l’a torturée. Elle a vu ses mains blanchir avant de se contracter telles des serres. Elle a commencé à se refroidir. Le sang abandonnait l’extrémité de ses membres pour aller préserver les organes vitaux. Elle s’est mise à prier, néanmoins le froid continuait de l’envahir lentement. Elle ne ressentait plus l’été, que la terreur de cette solitude morbide.

(…/…)

lundi 17 octobre 2011

Homicide X : 2 - 17


2 – 17

Samuel s’essuie le front avant d’entrer.
Jamais il n’aurait songé revoir Mariella, en tout cas pas depuis la fin de ses études d’Histoire de l’Art à l’institut Michelet. Elle a forci mais elle est toujours resplendissante. Avec elle, remontent à la surface l’amertume du café du Gamin de Paris, la confusion de la jeunesse en quête d’elle-même dans les allées du Luxembourg, les études bâclées.
- « Eh bien, pour une surprise : c’est une surprise ! »
Mariella jubile :
- « Et ce n’est rien ! Te souviens-tu de cette histoire avec mes soeurs ? »
Elle s’est rapprochée et le fixe de ses grands yeux verts. Il la saisit et l’embrasse soudainement. Elle répond passionnément à ce baiser sans nostalgie puis l’arrête pour le questionner à nouveau du regard.
- « Tu sais que je n’y ai jamais cru. »
- « Tu vas en avoir la preuve ! »
Elle le prend par la main et l’entraîne à sa suite dans le couloir.
Benjamin et Jean sont en charmante compagnie dans le salon. Visiblement, ils connaissent intimement les demoiselles en présence et n’ont pas attendu leur camarade pour débuter les préliminaires.
- « Je te présente Marie et Marion. »
Elles lui font face, se dégageant de leurs étreintes et le saluent, l’une d’un clin d’œil, l’autre d’un sourire complice. C’est incroyable ! Cette vieille histoire de triplées était donc vraie… Mariella s’était jouée de lui lors de rendez-vous galants, préférant lui envoyer ses sœurs lorsqu’elle avait mieux à faire ou à connaître.
- « Tu en étais une sacrée ! »
- « Je le suis encore ! »
Elle l’agrippe et le mène jusqu’à la chambre. Elle se dévêtit terriblement aguichante dans sa lingerie écossaise. Il se laisse happer et tomber sur le lit soyeux. Mariella se met sur lui et comme pour répondre à sa dominance, il retourne la situation. Il est désormais sur elle et lui maintient les poignets au-dessus de la tête, l’air triomphal.
Elle rougit de gourmandise et pour l’encourager davantage, elle lui susurre languissamment un :
- « Tu veux m’attacher ?»
Samuel se redresse d’un bond. Une énorme suée le rend liquide, mis à nu devant Mariella incompréhensive, il se rhabille aussi vite qu’elle l’a déshabillé.
- « Il faut que j’y aille… »
- « Tu plaisantes ? »
Il ne prend pas le temps de répondre et quitte l’appartement sur le champ.
(.../...)

lundi 10 octobre 2011

Homicide X : 2 - 18


2 – 18

Samuel court comme un dément dans la rue et se jette dans un taxi.
Il donne son adresse. Le conducteur fait taire son chien assis à ses côtés et jette un cil suspicieux sur son passager. Samuel transpire à grosses gouttes.
- « Vous ne supportez pas la chaleur ? »
- « En effet. »
- « Vous êtes comme ma femme. Un rien lui donne des bouffées de chaleur, alors la canicule, vous pensez ! »
Samuel n’entend plus. Le monde ne file pas assez vite. Les mouvements de la rue se décomposent de manière abstraite contre les vitres de la voiture. Le taxi finit par arriver. Il paie. Il jette un coup d’œil alentour et s’engouffre dans l’immeuble. Il cherche ses clefs. Il les fait tomber dans sa précipitation. Il y est.

La nuit est tombée comme un masque sur la réalité. Les rideaux ne bougent plus. Samuel se réveille de son cauchemar. Il se dresse les cheveux collés au front. L’émergence est difficile, il se sent troublé par une sensation singulière. Un doute. Un doute terrible. Son pouls change de cadence. Il descend l’escalier : le tapis est là. Il n’a rien rêvé. Il va s’installer dans son fauteuil pour méditer un instant sur ce spectacle sordide, puis il va regarder en bas par la baie vitrée : personne. Alors il prend son courage à deux mains et s’attelle à tirer le tapis jusqu’à la porte d’entrée. Il inspecte l’étage par le judas. Il ouvre la porte et traîne Midori momifiée. Il ne s’amuse pas, néanmoins il parvient à la mettre debout dans l’ascenseur.
Il la hale plus sereinement sur les dalles du hall. Il la dresse contre le mur le temps de vérifier l’extérieur et sort finalement sa tapisserie. La lune en unique témoin, il déroule le tapis rouge. Le corps roule sur le trottoir et va buter contre un véhicule. Prêt à un ultime effort, Samuel la livre au caniveau parisien.

Il lève les yeux au ciel et souffle un bon coup. Enfin il va se coucher l’âme plus légère. Avec un peu de chance, il aura de ses nouvelles demain : aux infos.





lundi 3 octobre 2011

Félicie Gambetta

"Je n'ai plus rien à cueillir,
Que mon âme qui s'ébranle
A l'idée de l'hiver à venir."

FELICIE