lundi 27 décembre 2010

7 - 1 : Il était une fois




7 - 1
Je voulais naître.
J'ai longuement espéré cet événement. Depuis le néant, mon esprit souffrait de l'appel de la vie. Je rêvais de sensations, d'atmosphères. Je voulais naître mais pas n'importe comment. Sortir, cependant pas d'on ne sait qui. Là était mon souci, mon problème à résoudre. Il devait bien y avoir quelqu'un. Il devait bien y en avoir d'autres.
Où aller quand les chemins n'existent pas ?
Où se rendre sans destination réelle ?
Je n'avais connu que la sérénité, que la passivité, que l'abandon.
Je ne réalisais que trop ma condition d'âme.
Je n'étais préparé à rien puisque j'étais tout. L'Univers c'était moi. Je me suis dit qu'étant la synthèse de tout, ma solution résidait peut-être dans le fait de me diviser, aussi ne serais-je plus unique. Puis je laisserais se multiplier ces divisions et la matière évoluerait pour permettre aux cellules de parfaire leurs mathématiques.
(...)

lundi 20 décembre 2010

7 - 2 : Il était une fois


7 - 2


En premier lieu il me fallait me diviser. Je devais trouver les deux qui conviendraient, les garants de mon avenir.
Je devais progresser sur la voie de la concrétisation.
J'attendais qu'on m'aime. J'attendais qu'on m'attende. Je me languissais de prendre forme. Ainsi ai-je commencé à aimer mes futurs créateurs, ceux-là mêmes à qui je prêtais vie. Eux qui parviendraient à m'extraire du monde originel.
De ma place d'observateur, j'ai évalué mes chances d'arriver au début, j'ai soupesé les probabilités de ma naissance. Mon attirance pour le monde physique devenait obsessionnelle.
J'imaginais quelque chose d'inconnu venir troubler mon silence intérieur. Un appel, le sentiment d'un appel encore confus.
Aurais-je peur ? Sans doute. Il est toujours ardu de se réveiller.


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lundi 13 décembre 2010

7 - 3 : Il était une fois




7 - 3


Lorsque j'ai perdu mon bébé, j'étais au restaurant, face à mon frère. Subitement, j'ai commencé à couler de ma chaise sous la table de douleur. J'étais pourtant incapable d'identifier cette souffrance. Mon frère m'a aidée à sortir de l'établissement le plus dignement possible. Je me rappelle qu'il avait insisté pour me payer un taxi, or, têtue comme je suis, j'ai pris le métro. Je n'aurais pas dû ! Ce trajet fut un cauchemar dont je frémis encore.
Je vacillais, blême, ne sachant à quoi me raccorcher tant je souffrais. Un tiraillement tel qu'il se répercutait dans tout mon corps. Une douleur de plus en plus aiguë qui me pliait en deux en se diffusant. Mes cheveux collaient salement à mon front tant je suais. Mes yeux vrillaient sous les néons de la rame de métro qui rendaient la réalité surréaliste. Les gens, bien installés sur leurs sièges, me regardaient d'un air dégoûté. Je m'en apercevais à peine jusqu'à ce qu'une femme, à proximité, lance d'un ton fort à son mari :
- " Encore une de ces paumées de toxicomanes. Il faudrait les achever ! "
Ma station arrivait, j'ai fui pressée par l'angoisse du mal. Il ne me fallait pas m'arrêter au risque de ne pas pouvoir repartir.


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lundi 6 décembre 2010

7 - 4 : Il était une fois


7 - 4


D'une force surhumaine je me suis portée jusqu'à chez moi. Quand la porte s'est enfin refermée, j'ai tout lâché et je me suis précipitée dans la salle de bains. Je suis montée sur la petite estrade qui mène aux toilettes et je m'y suis assise. Je n'ai eu que le temps d'écarter les genoux que je me suis vomie toute entière. Des gouttes de transpiration brûlaient mes yeux tandis que mes membres tremblaient pris sous l'assaut d'un frisson glacial. Je crois qu'ensuite le téléphone a sonné. Je me suis dressée comme propulsée par un ressort mécanique. Tel un fantôme, j'ai fait un pas vers l'avant et j'ai fini de me déshabiller. J'observais le sol, mes vêtements gisaient auprès d'une mare de sang. Je fixais la flaque d'un rouge brunâtre sans réaction. Tout bonnement je ne comprenais pas. Tout bonnement ce n'était pas envisageable. Tout bonnement ce n'était pas possible. Et mes yeux ont fixé mes pieds, mes pieds souillés de sang. Et j'ai remonté le filon le long de mes jambes sanguinolentes. Puis le blanc.


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