lundi 12 décembre 2011

Homicide X : 2 - 9


2 – 9

La toile lui fait désormais face. La surface vierge le fait frissonner. Il vibre sous le coup de multiples émotions qu’il ne trie pas encore, il les exprimera par la grâce des matières. Il fait un pas en arrière, retient sa respiration comme s’il ne devait jamais refaire surface. Mécontent, il grogne et traverse l’atelier jusqu’à Midori qu’il saisit brusquement. Il lui impose une attitude suppliante, les bras tendus et les paumes offertes au regard du ciel. La position très anti-naturelle devait rapidement devenir un supplice pour la demoiselle dont les coudes tremblotants indiquent déjà le calvaire.
Enfin satisfait, il regagne le point de vue de son chevalet. Il s’arme d’un pinceau puis expire au maximum avant de saisir avec assurance les contours de la jeune fille d’un noir luisant teinté de grenat. Ses élans, presque brutaux, font apparaître le mouvement sur la toile, ironie, tandis qu’il considère son modèle immobile. Un soleil blafard déambule dans la pièce. Samuel est un animal livré à son instinct, il griffe l’épaisseur de la sombre pâte huileuse avec un couteau, le pinceau gît au sol, il était devenu inutile. Par sa gestuelle, il accentue l’étirement de son personnage, déterminé à faire jaillir un esprit de ce corps.
Dès l’instant qu’il peint, le temps n’existe pas.
Midori à la limite de défaillir, baisse les bras.
Le peintre l’ignore, perdu dans son combat avec la matière. Ses doigts sont gluants de la chair de son personnage, ses yeux sont absorbés, ailleurs, dans cet inconnu qu’il crée. Elle glisse lentement jusque sur le tapis épais et trotte le plus discrètement possible vers la cuisine. Elle se sert un verre d’eau. Elle ouvre le réfrigérateur et y passe la tête pour se rafraîchir. Il n’y a rien dedans hormis de la bière et une bouteille non étiquetée.
- « Tu peux me dire ce que tu fais là ? »

(…/…)

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