lundi 16 avril 2012

Les clefs : 1 - 2



1 – 2

Le vent est encore frais mais le soleil a des vertus apaisantes et grisantes. De gros bourgeons dodus font pendre les branches trop frêles. La chlorophylle défie le bitume, une nuée d’étourneaux part assombrir le ciel. Emma trouve un banc au soleil, elle s’installe sur une extrémité, si près du bord qu’elle semble pouvoir tomber sous l’assaut d’un vent soudain. Elle pousse à nouveau une profonde plainte et son ventre se remplit presque douloureusement d’air. Il y a donc si longtemps qu’elle ne respirait plus !
Mais comment les choses ont-elles pu en arriver là ?

Au commencement tout est inévitablement merveilleux. C’est un printemps de chaque instant, de l’insouciance, des sourires. Sa rencontre est programmée au détour de la vie comme un enchantement. Un coup de foudre. Une remise en question spontanée. Il est là. Il est.
Au début, les questions n’ont pas d’importance, seules les caresses en ont. C’était un amour trop précipité, trop grand, trop voyant. Personne ne pouvait l’ignorer, mais personne n’osait s’en soucier. Il est passé et, au passage, Il est devenu tout. Tout ce qui compte, tout ce qui occupe le temps et l’espace, la nourriture, la chaleur, le songe. Le monde se créait autour de lui. Il était maître de son royaume. Le doute n’existait pas.

Les pigeons se rapprochent du banc et Emma sursaute à l’appel d’un klaxon. Elle décide de rejoindre un café. Elle s’engouffre au fond de la salle, sur une banquette. Elle commande un thé au lait et une part de tarte au citron meringuée. La blonde et la rousse de la table voisine l’enfument, Emma se fait un éventail avec le menu. La tarte arrive enfin ! Emma ne peut s’empêcher de pointer le doigt dans le sucre glace. Comment peut-elle être à ce point immature ? D’un coup, une silhouette, une ombre dans la rue et son sang bloque dans ses veines. Elle va s’enfermer, par réflexe, dans les toilettes. Le miroir ne saisit d’elle qu’un regard hagard. La lumière s’allume alors qu’elle s’enferme, malgré cela elle tient la poignée, elle transpire, de l’autre main elle déchire du papier toilette et s’éponge le front. Dire qu’elle ne pouvait pas vivre sans lui, qu’une heure d’abandon virait au supplice…
Elle lui a pourtant tout cédé, ce qui était juste, même ce qui ne l’était pas. Il en voulait toujours plus. Il a une âme insatiable.


(.../...)

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