lundi 23 janvier 2012

Homicide X : 2 - 3


2 – 3

Midori n’a pas bougé. Fièrement, elle tient sans broncher. Ses poignets liés lui étirent les bras en une contraignante prière. Ses jambes de sirène très blanches sont repliées sous elle et ne laissent apparaître que ses chevilles fines de porcelaine bleutée. Sa longue chevelure noire et épaisse casse, luisante, sur l’onde de sa taille et va mourir sur ses hanches. Ses pieds sont des lotus aux pétales entrouverts.
- « Ce n’est plus humainement tolérable. Je vais te décrocher… »
Samuel se précipite soudain. Il prend une chaise au passage et grimpe dessus pour dénouer le lien. Midori se laisse faire. Pas un mot.
- « C’est trop serré. Attends, je vais chercher de quoi couper. »
Il revient avec un énorme couteau de chasse. Il remonte sur la chaise et après une profonde inspiration, il coupe le cordon.
Le corps tombe de son piédestal sur le tapis rouge.
- « Ça ne va pas… »
Samuel agrippe les chevilles et tire pour déplier le corps.
- « C’est pas vrai ! »
Midori est rigide. Elle ne veut pas s’allonger.
- « Il va falloir te détendre ! »
Samuel s’entête et enfin, l’une des jambes cède puis l’autre après un craquement sordide. Il sue à grosses gouttes. L’odeur est épouvantable. Il passe à l’avant pour lui mettre les bras le long du corps mais voici qu’une jambe commence à se rétracter derrière lui pour reprendre sa forme initiale. À bout de nerfs, il part dans la cuisine se servir une vodka. Il ouvre la fenêtre, le soleil l’envahit, il se retrouve aveuglé. Il se fait au plus vite une visière de doigts rouges et finit par tourner plus radicalement le dos. Il descend son verre et retourne à côté. Midori semble être une poupée abandonnée au sol par un enfant colérique. Un rai de clarté traverse son regard vitreux. Alors, il s’y atèle de toute sa volonté et réussit par l’enrouler dans le tapis comme un gros nem. La tâche s’avère épuisante et Samuel finit par s’asseoir dessus, la tête entre les mains, liquide et essoufflé. Il ressort son mouchoir, se le passe sur le visage, le cou, la nuque. Il se décide à aller prendre une douche froide. Il ne reparaît qu’un long moment plus tard en pagne et les cheveux humides. Après un regard circonspect dans la pièce, rien n’a changé, il peut aller faire sa sieste. Il monte l’escalier qui mène à la chambre, une pièce spacieuse. Il y fait le noir en tirant de lourds rideaux et allume la lampe de chevet près du grand lit carré. Il vérifie que tout va bien puis il éteint avant de s’étendre en croix. Ses yeux restent collés au plafond. Un souffle parvient à pénétrer entre les sombres voilages. Un rayon fend l’espace et dore la poussière en suspension. Cette fois, Samuel ferme les paupières, il se masque de ses paumes, pourtant des lumières flashent l’écran de sa conscience…

(…/…)

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