lundi 2 mai 2011

4 - 11 : L'Amour Ordinaire


4 – 11

Elle baisse les yeux pour la première fois.
- « Vous communiquez une telle passion que je sais pas quoi dire… »
- « J’en arrive à la conclusion que l’accomplissement ne naît que de la sérénité. Tandis que la passion ouvre les blessures, la quiétude les panse. Les sentiments vrais sont ceux des gens ordinaires parce qu’ils assument le présent plus qu’ils ne présagent l’avenir. »
La bougie s’est éteinte.
Pan vient nous débarrasser.
- « Vous avez terminé ? »
Je ne réponds pas.
- « En effet. »
Karine se lève de sa chaise. Je passe auprès d’elle pour l’aider à s’habiller. Sa peau sent la mandarine. Elle sort. Je la suis. La nuit nous a rejoints. Les arbres nus se découpent dans la lumière des réverbères. Je la discerne en contre-jour.
- « Pouvons-nous nous revoir ? Discuter encore en passant un agréable moment ? »
- « Ce n’est pas possible… »
- « Et pourquoi donc ? »
- « Parce que j’ai le cancer. Une tumeur évolutive au cerveau. »
Elle m’observe. Je suis confus, je bafouille :
- « Et alors ? »
- « Je n’avais pas beaucoup de temps à vous consacrer. J’ai tellement de choses à faire, de personnes à voir. Profitez au mieux de cette vie qui va bientôt me manquer, voilà ce que vous pouvez faire pour moi. Je ne suis pas là à me morfondre, pourtant j’aurais des raisons. Je me sens comme investie d’une mission : apporter une réponse simple à des esprits complexes. Reprenez le chemin des plaisirs simples. Ravivez votre petit feu journalier. Soyez plus tolérant avec vous-même et plus juste avec les autres, car l’humanité est à votre portée.

Elle ne m’a pas laissé la raccompagner ;
Je rentre à pied. C’est l’hiver or j’ai chaud. Mes mains sont moites au fond de mes poches. J’entends battre mon cœur.
Une fois à l’intérieur, débarrassé, mes chaussures rangées l’une contre l’autre, je vais m’asseoir sur le canapé en soufflant. J’ai l’extrémité des doigts qui papillonne, force est de constater que la vie grouille en moi.

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