lundi 25 juillet 2011

3 - 10 : Félicie Gambetta




3 – 10

Félicie semble extrêmement affectée, elle retient ses larmes et ses iris pâlissent dans l’eau de ses émotions. Il n’y a donc que les ombres et les chiens pour rester dévoués aux personnes âgées ? Où sont passés les hommes solidaires ? Ceux qui mêlaient le passé et l’avenir pour vivre le plaisir présent au repas du dimanche. Où sont passés ces hommes qui respectaient le sens des saisons ? Faut-il ne devenir qu’un passant dans sa propre vie ? Accepter de mourir par inutilité ? L’ombre s’est mise à pleurer. Félicie tend le bras vers elle et disparaît étrangement jusqu’au poignet dans la robe obscure. C’est très doux, cela rappelle le songe du paysage idéal qu’elle faisait tout à l’heure, ce même rêve qui l’a conduite au lit, convaincue de pouvoir trouver le repos. Elle ressent que l’ombre lui dit :
- « Si tu le désires, je te laisse aux bras de Morphée et nous nous retrouverons dès l’aube. »
Mais Félicie se met à tendre l’autre bras et pénètre l’ombre comme on entre dans une forêt. Plus elle progresse et plus la lumière se raréfie comme voilée par d’énormes branches.
- « Je crois que c’est à mon tour de t’accompagner. Personne ne m’attend tu le sais bien et puisqu’on m’a laissé penser que je n’ai plus de rôle à jouer dans la société actuelle, je décide de rejoindre ton autre côté, hors du temps je serai plus à ma place. À présent je vais pouvoir rajeunir, redécouvrir, m’enthousiasmer à nouveau pour cet inconnu. Je n’ai pas de regrets quant à mes petites habitudes, d’ailleurs pour une fois je pars en laissant la lumière allumée. Demain, après demain, qu’importe, quelqu’un viendra l’éteindre.

1 commentaire:

  1. J'admire la lucidité et la sérénité de Félicie. Mais cette nouvelle est tellement d'actualité qu'elle me fait froid dans le dos.

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