lundi 1 août 2011

3 - 9 : Félicie Gambetta


3 – 9

Elle éteint la lumière et traverse le couloir qui s’étire péniblement. Elle jette un œil au Paris de tous ses émois en fermant la fenêtre, elle frémit et prend place dans son lit de mariée, les bras croisés sur la poitrine. Elle se fait penser à un gisant, le regard collé au plafond, elle fixe le halo de la lampe de chevet, une guirlande de poussière qui se balance presque imperceptiblement. Son cœur bat vite, dès l’instant où elle s’est allongée le sommeil s’est enfui. Le réveil marque l’éternelle présence du temps perdu, du temps qu’il reste. La solitude est une fausse amie, une traîtresse. Elle erre avec son air de belle indépendance et pousse l’ironie d’être présente sans jamais vous aider. Elle vous écrase, vous enfonce, finit par vous convaincre que vous ne valez rien. Vous êtes minuscule dans son néant et elle place le vide dans vos yeux qui ne possèdent plus que l’étroitesse de leur seul regard. Elle savoure l’agonie des heures et c’est votre énergie qu’elle file entre ses doigts. Félicie se redresse, ajuste l’oreiller dans son dos. Son ombre est immobile contre les rideaux tristes.
- « Toi aussi tu t’ennuies, n’est-ce pas ? Ce ne doit pas être drôle d’être l’ombre d’une vieille femme. Viens donc t’asseoir sur mon lit ! »
L’ombre se déplace en glissant sur le parquet et s’installe auprès du corps pelotonné de Félicie.
- « Alors, tu as perdu ta langue ? Réponds. »
- « Je suis très heureuse de t’avoir suivie ta vie durant. »
- « Cependant je reconnais ne pas t’avoir beaucoup prêté d’attention ! »
- « Ce n’était pas ton rôle, c’était le mien. Et pour répondre à la question, c’est ta solitude qui me pèse. Jusqu’ici, tu m’as permis de m’animer, tu m’as emmenée partout avec toi, dans tous tes mouvements tu m’as été loyale. Le soleil est mon père et tu es ma mère. Tu es mon amie et je te serai fidèle jusqu’à la fin, tel est mon destin. Alors sors un peu de ta torpeur, tu peux compter sur moi. »
(.../...)

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