lundi 31 janvier 2011

6 - 8 : Le jeu du miroir



6 - 8


Ce jour était tombé comme un coup de poignard. Louison, à son insu, avait commis l'impensable.
Elle s'était coupé les cheveux.
Segunda venait de perdre une partie d'elle-même Elle se sentait trahie. Elle se mit à pleurer et partit. Un raz de marée la submergeait. Elle courut pour rentrer chez elle. Sa mère n'était pas là. Elle avait filé dans la salle de bain et avait saisi des ciseaux de coiffeur. En apnée, elle maintenait sa natte très haut derrière sa tête et s'apprêtait à couper son seul ornement lorsque sa mère avait déboulé au comble de l'inquiétude et l'avait interceptée à temps.
- " L'école m'a téléphonée pour que je justifie ton absence. Que t'a-t-il pris ? "
Segunda s'était effrondrée dans ses bras. Sa longue tresse mêlée aux mèches plus sombres de sa mère, elle s'était laissée bercer un long moment avant de se sentir revivre.
Elle avait gagné de ne pas retourner à l'école de la journée, aussi en avait-elle profité pour s'installer seule dans sa chambre. Il y avait bien longtemps qu'elle ne s'était pas retrouvée dans son univers personnel. Chaque jouet ranimait un souvenir, les couleurs, les textures, les odeurs, l'ensemble se mélangeait en une nostalgie douceâtre qui la calmait. Elle avait froncé un sourcil en prenant sa poupée préférée sur ses genoux. Ah ! Louison ! Elle songeait à son amie et son regard transperçait la poupée pour aller s'échouer dans le vide. Segunda s'était dit comme pour se consoler qu'elles avaient finalement toujours eu des caractères fort différents, que ce physique assez proche n'était qu'un leurre, un clin d'oeil du destin afin de les réunir. Elle s'était glissée dans la chambre des parents et s'était examinée dans la grande glace comme lorsqu'elle était petite. Absorbée par son reflet, elle ne tarda pas à remarquer que les membres appartenant au même individu n'étaient pourtant pas semblables. (Seule la beauté idéale est parfaitement symétrique mais celle-ci s'inscrit plus souvent sur papier en applications géométriques que dans les corps). Tout ce qui est de la même matière ne prend donc pas forcément une forme identique. Pourtant un bras reste un bras, un genou reste un genou et un homme demeure un homme.


(...)

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